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Prosopagnosie et autisme : des notes du front

- Julie BOUCHONVILLE

Prosopagnosie et autisme : des notes du front

Nous avons déjà abordé la question de la prosopagnosie chez les personnes autistes [1] , et mon but n'est pas ici de reproduire cet article, mais plutôt d'offrir une perspective un peu différente, basée sur des expériences personnelles et des témoignages fiables. En cette période estivale, il me semble pertinent de proposer à mon lecteur des sujets peut-être plus légers, ou traités avec plus de légèreté, tout en gardant un caractère informatif [2] .

 

L'enfant autiste et prosopagnosique

Enfant, je n'avais pas conscience qu'il y avait un problème dans ma manière de traiter les visages, et les témoignages que j'ai pu recueillir suggèrent que c'était le cas de la plupart des autistes. Je reconnaissais à peine ma Maîtresse [3] , et peu ou pas les autres enfants de ma classe, un problème exacerbé par mes troubles de la vue qui n'étaient pas bien corrigés à l'époque.

Le fait que je ne savais pas qu'un problème existait que je ne pouvais même pas commencer à m'interroger : certes, j'avais constaté que les enfants de ma classe me semblaient automatiquement inconnus et que je n'avais aucune idée de là où ils passaient leur récréation [4] , mais le fait que ce ne soit pas normal ne me venait pas à l'idée. Que je ne reconnaisse pas ma propre sœur, qui a partagé la même cour de récréation que moi pendant deux ans mais que je n'ai, de mon point de vue, jamais croisée, ne m'a même pas effleuré l'esprit.

Pendant des années, je ne me reconnaissais pas non plus en photo, et encore aujourd'hui, j'ai tendance à me confondre avec ma sœur sur les clichés les plus vieux.

 

Comment aider un enfant prosopagnosique ?

Une bonne première étape est de vérifier où en est sa reconnaissance des visages. Un enfant qui hésite devant un membre de la famille qu'il voit peu est-il persuadé d'être face à un inconnu, ou est-il simplement timide ?

Une bonne manière de tester régulièrement peut être de lui montrer des photos de proches. Dès 3-4 ans, un enfant peut identifier des proches sur des photos, pour peu que les angles ne soient pas trop bizarres [5] . Au-delà de 6 ans, il peut le faire avec une précision proche de celle des adultes. L'exercice des photos peut permettre de déceler un problème initial, surtout si l'on a la possibilité de tester des coiffures ou tenues différentes de l'ordinaire : j'ai peine à le croire, mais apparemment, l'on peut reconnaître son frère ou sa cousine préférée même avec une perruque ou une veste de ski. [6] [7]

 

Si l'on constate effectivement que l'enfant a du mal, que ce soit temporaire ou durable, il est pertinent de l'encourager à prendre des points de repère qui ne sont pas les visages : la silhouette, les lunettes, la forme du visage, la couleur et la nature des cheveux [8] , des signes distinctifs comme un accent, des taches de rousseur… En outre, il sera utile de l'encourager à relever ces signes dans des contextes différents. On pourra peut-être plus aisément permettre de pratiquer cela avec des acteurs ou des membres de la famille étendue : on traitera ainsi moins les autres enfants de la classe comme des souris de laboratoire.

 

Prosopagnosie chez l'adulte

Adulte, l'avantage au moins est que l'on a conscience du problème, et que l'on peut lutter contre. J'ai fini par comprendre que quelque chose n'allait pas quand j'ai eu mon premier chien : après quelques semaines, les gens sur mon circuit de balade nous reconnaissaient, mon labrador et moi, et je n'avais toujours aucune idée de qui il s'agissait.

 

Stratégies pour la personne autiste

D'abord : toujours prévenir. Les gens ne sont pas infiniment plus tolérants quand on leur dit qu'on est très mauvais avec les visages, mais au moins cela abaisse leur seuil d'attente.

Ensuite : toujours noter. Cela peut paraître pénible, au mieux, ou le comportement d'un tueur en série, au pire, mais noter le prénom et quelques informations rapides sur l'apparence permet de mieux fixer le souvenir, et permet également de revenir sur ses notes par la suite si l'on oublie. Et si quelqu'un trouve bizarre que l'on prend des notes, on peut toujours le justifier : l'on a, après tout, prévenu qu'on n'était pas très bon avec les visages.

Troisièmement : dans les premiers temps, utiliser le prénom donné le plus possible, pour aider le cerveau à créer l'association personne-prénom. Myrtille existe, et cette dame aux longs cheveux auburn existe, et les deux ne sont qu'une seule et même personne.

Enfin : comme je le disais dans le précédent article sur le sujet, quelques phrases passe-partout peuvent aider pour les fois où l'on est en panne totale.

 

Est-ce parfait ? Non, les accidents arriveront quand même. L'un de mes amis m'a récemment raconté l'anecdote de comment il a interagi avec un étudiant pendant plusieurs mois, jusqu'à constater avec effroi que cet étudiant était en fait deux personnes distinctes — ou ledit ami a un plutôt bon système en place.

Il y a peu, j'ai moi-même dû demander en panique à ma tendre moitié [9] qui était la charmante personne venue nous saluer au théâtre — pour ma défense, je ne l'avais vue qu'à son mariage, deux de ses déménagements, une session de construction de meubles en kit et un dîner où nous avons cuisiné ensemble pendant plusieurs heures. C'était peu ou prou une inconnue.

 

Accepter que le problème existe, raconter les anecdotes pour faire rire ses collègues lorsque cela est pertinent, et s'excuser gracieusement lorsque l'on se plante : ces étapes me semblent inévitables.

 

Mon lecteur at-il des stratégies qu'il aimerait partager avec notre public ? Nous l'écoutons avec plaisir !



[2] J'ai conscience que, disant cela, je suis en train de forcer la main du destin pour me retrouver à écrire des articles à la fois fouillis et tragiques, mais testons néanmoins.

[3] J'ai eu la chance d'avoir la même Maîtresse pour mes trois années de maternelle, mais serais incapable de la reconnaître même en photo.

[4] Ayant l'habitude de les voir assis en classe, je ne les reconnaissais pas avec leur manteau. Il m'a fallu des années pour comprendre ce détail.

[5] Attention, les petits enfants ont l'habitude de voir les gens avec un certain degré de contre-plongée.

[6] Idéalement, on n'utilisera pas trop souvent les mêmes photos : l'enfant qui comprend que son parent est content quand il reconnaît les gens sur la photo a tendance à « tricher » et mémorise plutôt le contexte de la photo.

[7] Attention également à ne pas créer de faux négatif : beaucoup d'enfants aiment le rituel de l'adulte qui montre des photos et explique qui se trouve dessus, et vont demander qui sont les personnages même s'ils connaissent la réponse, juste pour observer le rituel. Cela ne veut pas dire qu'ils ont du mal à reconnaître les gens.

[8] Non pas que j'encourage d'entraîner les enfants à identifier qui a des pointes sèches et qui porte des extensions, mais cela peut les aider de se rappeler que Prune a les cheveux raides et Ananas les bouclés.

[9] Se faire aider d'une personne qui a une très bonne mémoire visuelle est aussi une excellente stratégie.

Pour toute question sur nos articles de blog, contactez la rédactrice à : juliebouchonville@gmail.com


3 comentarios
  • Bonjour,
    @Ella si jamais vous lisez un jour ce message, sachez que : “nécessité de rencontrer plusieurs fois les gens avant de pouvoir se souvenir de leurs noms ;” semble être un symptôme de la prosopamnésie. Je peux vous assurer la cocher aussi.

    Je suis amusé de voir que nous avons tous des manières différentes de vivre et de compenser cette condition. Personnellement je n’ai aucune idée de ce à quoi ressemble des oreilles. Même si je prends le temps de les observer, l’image part de ma tête sitôt que je bouge les yeux.
    Notez que je ne suis pas beaucoup meilleur sur les visages, mais que je sais en retenir une description.

    Athi en
  • D’aussi loin que ma mémoire remonte, je n’ai jamais regardé que la bouche des gens dans mes interactions. Dans 99.99% des situations, c’est manifestement indétectable. J’avais largement passé l’âge de 20ans avant de comprendre que “regarder dans les yeux” n’était pas une expression avec un sens imagé, mais que la gens regardait effectivement la zone des yeux des autres. Pour ma part, regarder les yeux d’une personne rend toute pensée consciente très difficile, et c’est incompatible avec la moindre conversation. Même sur des vidéos, si quelqu’un parle, je regarde systématiquement sa bouche. Si la bouche est masquée, cela me gêne beaucoup, mais je regarde quand même à l’emplacement qu’elle occuperait. A ce jour je reste incapable de donner la couleur des yeux de quiconque, sauf si cela a été le sujet de conversations suffisamment longues ou répétées, ou bien si les conditions d’un examen long et minutieux se sont présentées. Je ne peux même pas dire avec confiance si la personne porte des lunettes ou non. En revanche, regarder la bouche aide énormément à la compréhension. Je sais pratiquement lire sur les lèvres, et j’identifie régulièrement la nationalité de personnes inconnues sans même qu’elles ne parlent si elles ont une bouche “typée” et que j’ai rencontré suffisamment de personnes de la même nationalité. Ma théorie est que la langue et la culture natale ont tendance à former les muscles zygomatiques et à donner une certaine forme à la bouche au repos. De mon expérience, je pifomètrerais que 20% des gens ont une bouche plutôt typée par leur culture d’origine. Ca impressionne quand d’autres facteurs (vêtements, couleur de peau,…) sont typées dans une aute direction. Le reste du visage est plutôt flou, mais effectivement certains détails (forme des oreilles, longueur de cou, tatouage, corpulence etc.) peuvent attirer mon attention, s’ils sont atypiques, et si le reste de l’environnement n’est pas trop perturbant au moment de l’interaction. Je me souviens des gens par une collection de détails, mais plutôt leur personnalité que de leur physique. A priori cela me suffit dans la majorité des situations, donc je pense que j’arrive à saisir des informations par la vision périphérique. Les cas où j’ai un doute restent nombreux, et je communique toujours avec une certaine réserve qui me permet de gagner du temps et laisser l’interaction se prolonger jusqu’à glaner les détails additionnels me permettant d’identifier la personne. Malheureusement leur nom n’en fait pas partie, ce qui fait que très régulièrement, même avec des gens avec lesquels j’ai travaillé pendant des années, leur prénom/nom m’échappent, et je ne peux pas décrire leur visage (ni même la couleur des cheveux) alors même que je peux décrire leurs personnalité en détails, leur histoire, ce qu’on a fait ensemble, etc.

    aliabastre en
  • Sans l’être totalement j’ai déjà vexé des gens car, même après une douzaine de fois j’étais incapable de me souvenir des prénoms. J’ai une très bonne mémoire visuelle. Je sais que je connais cette personne mais impossible de le souvenir de son prénom ^^

    Ella en

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