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Autisme et Nourriture en excès - Partie 2

- Julie BOUCHONVILLE

Autisme et Nourriture en excès - Partie 2

La semaine dernière, nous avons déterminé que si manger plus que nécessaire n’est pas un problème en soi, il est néanmoins possible d’en souffrir. Cette semaine, nous examinons des causes qui peuvent pousser une personne à manger plus qu’elle n’en a besoin, et ce qu’il est possible de faire pour réduire ce comportement.

La neurologie et la nourriture

Les autistes sont susceptibles de manger par ennui, pour se stimuler ou pour s’offrir un petit boost de sérotonine.

Un comportement que j’ai souvent observé, et qui est lié selon moi à la dysfonction exécutive, est la tendance à continuer à manger sans attention particulière pour les signaux du corps[1], parce que s’arrêter reviendrait en gros à changer d’activité, et que nous ne sommes pas très bons à cela non plus[2]. La personne, satisfaite de ce qu’elle est en train de faire, continue donc dans son activité plaisante, sans réaliser qu’elle mange sans plus avoir faim, voire qu’elle va se provoquer des maux d’estomac.

Manger peut aussi être un comportement d’évitement lié à l’anxiété : tant que la personne mange, ce qui est une activité légitime, elle n’a pas à accomplir la tâche déplaisante ou angoissante qu’elle cherche à éviter.

 

Au-delà de ces comportements qui, s’ils peuvent être envahissants et déplaisants, sont somme toute assez répandus à un degré ou à un autre, les personnes autistes sont aussi plus susceptibles[3] de souffrir de troubles du comportement alimentaire (TCA) reconnus, comme l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie, et aussi d’avoir des perturbations du comportement alimentaire au sens large. Une étude[4] menée par trois chercheurs de l’université George Washington suggère ainsi que dès l’enfance, les autistes ont tendance à manger en trop grandes quantités par rapport à leurs besoins, et ce quand bien même ils seraient des « mangeurs difficiles », aux restrictions et règles multiples lorsqu’il s’agit de nourriture. C’est à dire que lorsque nous trouvons un aliment qui nous paraît sûr et agréable, nous le consommons en quantités déraisonnables par rapport à nos besoins.

 

Bien qu’il soit encore difficile de déterminer pourquoi, exactement, les personnes autistes entretiennent des rapports compliqués avec la nourriture — et illusoire de penser qu’une seule cause sous-jacente puisse tout expliquer — il est indéniable que ces rapports compliqués existent. Le fait que nous souffrions également souvent d’anxiété, de dépression ou de trouble de l’attention, qui exposent eux-mêmes à un plus grand risque de TCA, participe sans doute. Et si, dans ces TCA, l’anorexie mentale est le plus représenté[5], les troubles poussant à la consommation d’un excès de nourriture restent néanmoins présents.

 

Je suis autiste et je mange trop. Je fais quoi ?

Assez paradoxalement, je pense que la première question à se poser, en tant que personne autiste qui mange trop par rapport à ses besoins, n’est pas tant comment réduire, mais plutôt, comment s’assurer qu’elle ait suffisamment de micronutriments ?

Bien souvent, lorsque nous avons tendance à consommer un aliment en quantités trop importantes, c’est parce que cet aliment est plus ou moins fait pour. Je ne doute pas qu’il existe des gens qui mangent trop de bâtonnets de carottes, mais la plupart du temps, nos excès alimentaires concernent surtout des produits très désirables comme les plats préparés, les friandises, les chips, etc. Ils peuvent aussi concerner des aliments très neutres sur les plans du goût et de la texture, et très prévisibles d’une fois à l’autre, suggérant un processus industriel : nuggets de poulet, pâtes blanches, crackers apéritifs, chocolat blanc, etc.

Tous ces aliments sont susceptibles de manquer de micronutriments, c’est-à-dire de vitamines et de minéraux, et une personne qui consommerait majoritairement ces aliments pourrait, bien que mangeant beaucoup, souffrir de carences. Avant d’envisager de réduire une quantité, il est peut-être pertinent au contraire de déterminer quels aliments (ou suppléments) pourraient être ajoutés au menu[6].

 

Ensuite, si mon lecteur pense souffrir d’un TCA, il est important d’en parler à un psychologue. Beaucoup de honte et de culpabilité entourent ces troubles, a fortiori quand on n’a pas toujours le physique assorti et qu’on craint de ne pas être pris au sérieux[7]. Il reste qu’il est très difficile d’en sortir sans aucune aide extérieure, et j’encourage quiconque pensant être concerné à en parler à quelqu’un. Mettre une tierce personne dans la confidence, dire que le problème existe, même si on ne contacte pas un professionnel de santé dans la seconde, est déjà une très bonne première étape.

 

Enfin, si mon lecteur pense qu’il peut lui arriver de trop manger « juste » parce qu’il a un rapport compliqué à la nourriture et aux signaux de son corps, là encore, il est possible de faire de la thérapie comportementale afin d’apprendre à mieux reconnaître ses propres sensations physiques et émotionnelles.

Rien de tout cela n’est aisé, je sais que j’ai tendance à dire « faites de la thérapie ! » comme s’il s’agissait d’un saut au supermarché du coin et j’ai conscience que dans les faits, tout cela peut prendre des mois rien qu’à mettre en place. Je trouve néanmoins rassurant de savoir, et de rappeler, que quiconque vit ces moments n’est pas seul, et que des solutions existent. Pas toujours aisées à mettre en place, mais réelles.

(Je déconseille, assez étrangement peut-être, le recours à un diététicien. D’abord parce que si l’on peut attendre un minimum d’un psy sur le plan des connaissances relatives à l’autisme, ce n’est pas le cas pour les autres professionnels de santé, et d’autre part parce que le risque est trop grand de s’entendre dire une variation de « ah, mais vous n’avez qu’à compter les calories/arrêter de trop manger/faire un effort », ce qui au mieux sapera le moral, au pire sera le début d’un nouveau TCA. Désolée, diététiciens, mais dans mon expérience vous n’êtes pas terribles.[8])

 

Conclusion

Nous connaissons tous le stéréotype de l’autiste qui ne mange pas, mais ce n’est pas une règle absolue. Certains autistes mangent plus qu’ils n’en ont besoin, et si ce n’est pas un problème en soi tant que la personne n’en souffre pas, cela peut être associé à une vraie détresse psychique (dans le cadre de TCA par exemple) et/ou physique (si cela a des répercussions sur sa santé).

Si mon lecteur pense qu’il serait pertinent de changer son comportement autour de la nourriture, des solutions existent, qu’il s’agisse d’apprendre à mieux écouter son corps, de trouver des stims alternatifs, ou d’entreprendre un travail de fond afin de soigner son TCA.

 

Pour finir sur une note enthousiaste, je rappelle à tous et toutes que nos corps ont le droit d’exister tels qu’ils sont, qu’ils ont le droit d’aller à la plage et à la piscine et d’être habillés avec des vêtements adaptés à la météo, et que si quiconque se permet de les commenter, il est entièrement pertinent de dire à cette personne d’aller se mêler de ce qui la regarde[9].

 

[1]Les autistes sont notoirement mauvais dans le domaine de l’intéroception, c’est à dire, la capacité à percevoir et comprendre ce qui se passe dans leur corps.

[2]Je renvoie mon lecteur vers notre article concernant la dysfonction exécutive : https://bienetreautiste.com/blogs/infos/dysfonction-executive

[3]https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyt.2019.00708/full%C2%A0

[4]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33846897/ Je n’ai eu hélas accès qu’au sommaire qui résume brièvement les conclusions

[5]https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyt.2019.00708/full%C2%A0 à nouveau

[6]Si l’on ne supporte pas les variations d’une fois à l’autre, il est possible de consommer des produits assez similaires d’une fois à l’autre en passant par des denrées un peu transformées : légumes en conserve ou surgelés, fruits en compote, suppléments en vitamines, en fibres ou en protéine, etc. Le but du jeu est de ne pas souffrir de carence, personne n’a dit qu’il fallait pleurer à chaque repas.

[7]Une personne qui souffrirait d’anorexie mais aurait un poids normal ou – inconcevable ! - du surpoids, par exemple, est une vraie possibilité et pas une simple expérience de pensée, mais certains médecins peuvent traiter avec condescendance un patient ne correspondant pas à l’idée qu’il se fond du malade-type.

[8]Si mon lecteur devait connaître un professionnel de l’alimentation qui ne pousse pas dans cette direction, en revanche, grand bien lui fasse, je ne remets pas sa compétence en question.

[9]Ou toute autre variation plus ou moins grossière.


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