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Glycémie et autisme - Partie 1

- Julie BOUCHONVILLE

Glycémie et autisme - Partie 1

Est-il plus courant pour les autistes de vivre des anomalies de la glycémie ? Des comportements autistiques peuvent-ils être expliqués via un taux de glucose sanguin en train de faire n’importe quoi ? Et si on pense être concerné, que faire ?

Examinons tout cela de plus près.

 

La glycémie

On appelle « glycémie » le taux de glucose en circulation dans le sang. Les divers glucides que nous consommons sont convertis en glucose par notre corps, qui s’assure ensuite via des mécanismes complexes que ce glucose soit toujours accessible par toutes les cellules à un taux constant. Avoir trop peu de glucose en circulation nous met en danger de tomber à court, ce qui dans les cas graves peut aller jusqu’au coma. Avoir trop de glucose en circulation n’est pas moins problématique : certains de nos organes, comme nos reins, se mettent à faire des heures supplémentaires pour essayer de résoudre le problème, d’autres, comme la rétine, peuvent subir des lésions suite aux modifications de tension que ce taux de glucose trop élevé amène, etc.

 

La glycémie doit donc constamment être régulée par notre corps, et il est admis que des valeurs normales pour un adulte à jeun se situent entre 70mg et 110mg/dL, soit entre 0,7g et 1,1g par litre de sang[1]. De nombreux facteurs font varier cette glycémie : la prise de nourriture la fait grimper, par exemple, et l’heure du repas, sa composition, son volume etc. influencent l’impact de la nourriture sur la glycémie. L’activité physique la fait baisser. L’âge, le sexe, d’éventuelles maladies, la température externe, le niveau d’hydratation, etc., tout cela influence la glycémie d’une personne à l’instant T mais aussi au cours de toute sa journée. C’est pour cela qu’on parle toujours en fourchettes de valeurs.

 

Le nombre de paramètres pouvant faire varier la glycémie implique également que le moindre dérèglement du système de régulation peut avoir des conséquences graves pour la personne. Le glucose est littéralement notre carburant, mais ses excès nous sont toxiques. Dans la mesure où à peu près tout et n’importe quoi fait fluctuer son taux, si la régulation ne se fait pas bien, il suffit d’un seul repas, d’une seule promenade, d’une petite modification de nos habitudes, pour que tout se casse la figure et que les ennuis commencent.

 

Diabète

Le trouble de la régulation de la glycémie le plus connu est le diabète. C’est une maladie chronique qui peut avoir deux grandes causes : dans le diabète de type 1, on est face à une maladie auto-immune. Les cellules de l’immunité ne reconnaissent plus certaines des cellules du pancréas, ce qui mène à la destruction de ces dernières. Le pancréas est l’organe qui fabrique les hormones[2] qui vont servir à la capture ou à la libération du glucose dans le sang. En gros, à cause de la maladie auto-immune, le pancréas ne va plus pouvoir faire son travail : plus précisément, ce sont les cellules qui produisent l’insuline qui vont être détruites en partie ou en totalité, et le corps ne va donc plus pouvoir produire d’insuline (plus assez ou plus du tout).

Ce type de diabète peut toucher tous les âges mais on le découvre surtout chez les jeunes personnes : enfants ou jeunes adultes. Il touche environ 6 % des diabétiques.

 

Dans le diabète de type 2, le pancréas n’est pas attaqué par le système immunitaire, mais le résultat est similaire :

- Soit il ne fabrique plus assez d’insuline par rapport à ce qui est nécessaire

- Soit cette insuline fonctionne mal parce que les cellules et les organes y réagissent moins : on appelle cette situation l’insulinorésistance

- Soit les deux phénomènes co-existent

Ce second type de diabète est lié à un ensemble de facteurs environnementaux qui se conjuguent à une prédisposition génétique. Il apparaît plutôt après 40 ans, et il touche la vaste majorité des diabétiques (plus de 90%).

 

Une bonne première tentative de réponse à notre question « les autistes ont-ils une glycémie cheloue ? » serait d’examiner la littérature à la recherche d’une comorbidité entre autisme et diabète, idéalement de type 1[3].

Les études qui examinent la fréquence de l’autisme au sein des patients diabétiques semblent déterminer que cette fréquence n’est pas différente de celle au sein de la population générale[4], ou qu’elle est trop subtilement différente pour que ce soit probant[5].

 

Une analyse suggérait que les autistes ont une plus grande probabilité d’avoir à peu près tous les problèmes physiques et psychiatriques imaginables, y compris les maladies auto-immunes, l’obésité et les deux types de diabète[6]. Dans la mesure où cette conclusion est un peu bordélique, et où les auteurs eux-mêmes ajoutent qu’il faudrait investiguer quelles sont les causes et quelles sont les conséquences, non seulement au niveau purement biologique mais aussi social et économique, je me permets de la poser ici avec un grain de sel et de la considérer comme peu significative[7].

 

Il est en revanche bien établi que le diabète chez les parents amène une plus grande probabilité d’autisme chez leurs enfants[8], mais cela est un sujet différent qui nous éloigne de notre idée initiale.

Il semblerait également que les autistes soient plus à risque d’être en surpoids[9] et d’avoir une alimentation déséquilibrée, ce qui sont des facteurs de risque pouvant mener à un diabète de type 2 si le terrain génétique est dans la bonne disposition[10]. Ici on serait donc plus sur une situation où l’autisme finit par engendrer des troubles de la glycémie chez les personnes adultes[11], soit un élément intéressant en soi mais qui ne répond pas totalement à notre question initiale non plus.[12]

 

Autres troubles glycémiques

Insulinorésistance cérébrale

Une étude de 2021[13] s’est penchée sur le métabolisme du glucose au sein du cerveau des personnes autistes. Leur échantillon n’était pas gigantesque[14] mais leurs découvertes sont intéressantes : selon cette étude, les cellules du cerveau autiste auraient tendance à se montrer résistantes à l’insuline[15]. Plusieurs théories existent pour expliquer le pourquoi de cet état de faits, mais les conséquences de l’insulinorésistance cérébrale sont entre autres la mauvaise régulation de comportements liés à l’alimentation, la mauvaise régulation du métabolisme, et une mauvaise capture du glucose par certains types de neurones.

Pour résumer tout ceci, disons que le cerveau autiste a tendance à mal utiliser l’insuline, ce qui fait qu’il utilise mal le glucose, ce qui fait que la personne concernée peut expérimenter des symptômes typiques de l’hypoglycémie : confusion, agressivité, anxiété, sautes d’humeur, difficultés de concentration et d’apprentissage, difficultés cognitives au sens large[16].

 

Glycémie basse

Une étude de 2019 menée sur un petit échantillon[17] suggère que les personnes autistes ont de base une tendance à une glycémie à jeun plus basse que les non-autistes (0,09g/L de différence), sans pour autant passer le seuil de l’hypoglycémie. Comme on l’a vu plus haut, un taux de glucose bas peut mener à des problèmes cognitifs et comportementaux – l’étude en question n’affirme néanmoins pas que la différence de glycémie identifiée puisse être source d’effets notables, dans la mesure où la valeur reste dans la fourchette des valeurs « normales ».

 

A ce stade de mon article, je pense qu’il serait tentant de conclure que les autistes n’ont pas une glycémie particulièrement prompte à la malfonction, à part dans le cas précis de l’insulinorésistance cérébrale, ce qui semble extrêmement spécifique et n’est pas même pas unique à l’autisme.

Pourtant, nous avons tous déjà entendu parler de témoignages de personnes limitant leur consommation de glucides et obtenant de bons résultats vis à vis de leurs traits autistiques les plus déplaisants ou envahissants. Est-ce que ce ne sont là que des anecdotes et des effets placebos ? Y a-t-il une marche à suivre qui émerge de tout cela ?

Je propose à mon lecteur de le retrouver la semaine prochaine pour examiner la question plus-avant.

 

[1]https://www.federationdesdiabetiques.org/information/glycemie

[2]Principalement l’insuline et le glucagon, mais il y en a d’autres.

[3]Je dis « idéalement » parce que le diabète de type 2 peut être en partie causé par une alimentation déséquilibrée, or on sait que beaucoup d’autistes ont des troubles sensoriels qui peuvent mener à un déséquilibre à ce niveau. Le lien serait donc plus probant si on pouvait exclure une potentielle relation de cause à effet et mettre en lumière une covariation. (Pour une fois que c’est ça qu’on veut.)

[4]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31271682/ ,

[5]https://diabetesjournals.org/care/article/28/4/925/23696/Type-1-Diabetes-and-AutismIs-there-a-link

[6]https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1362361315577517

[7]Ses échantillons, avec environ 1500 autistes et 15000 contrôles, pourraient aussi être un peu plus fournis et surtout pas tous issus de la même zone géographique.

[8]Diabète en temps normal ou diabète gestationnel, peu importe. https://www.nature.com/articles/s41398-020-01096-7 , https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4181720/

[9]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4657601/

[10]Ou la mauvaise, selon comment on voit les choses.

[11]Je le rappelle, le diabète de type 2 peut exister chez les plus jeunes mais il est principalement un problème chez les 40 ans et plus.

[12]A noter que le problème est plus complexe que « les autistes ne mangent que des trucs beiges et passent leurs journées à écrire des articles sur leur ordis alors ils deviennent gros et après ils ont du diabète de type 2 ». On sait par exemple que plusieurs types de médicaments, dont certains antidépresseurs ou antipsychotiques, peuvent augmenter le risque d’insulinorésistance. Or on sait que les autistes ont une plus grande probabilité de se voir prescrire ces médicaments.

[13]https://www.nature.com/articles/s41398-021-01345-3

[14]60 autistes et 240 contrôles

[15]Il leur faut donc plus d’insuline pour arriver au même résultat.

[16]Ce sont ici les conséquences à court terme. A long terme, c’est carrément plus flippant si mon lecteur me passe l’expression, avec des risques accrus de développer des maladies métaboliques et/ou neurologiques.

[17]17 autistes et 17 contrôles, je ne sais pas pourquoi on s’amuse à mener des études sur si peu de gens.


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