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La reconnaissance du handicap : c’est quoi l’intérêt ?

- Julie BOUCHONVILLE

La reconnaissance du handicap : c’est quoi l’intérêt ?

Certains autistes le sont assez pour que l’on puisse parler de handicap, au moins du point de vue juridique si pas personnel. Et en France, pays de la paperasse, quand on a un handicap, le faire reconnaître est un chouia plus complexe que de se pointer à la Mairie, dire « hé coucou j’ai un handicap, est-ce que je pourrais avoir un certificat s’il vous plaît ? », et repartir avec une sorte de diplôme et, éventuellement, un fauteuil roulant gratuit.

Pour être honnête, c’est même très compliqué. Au point qu’on peut en arriver à se demander, quand on est autiste et que le handicap n’est pas dans nos membres, est-ce que ça vaut vraiment la peine ? Qu’est-ce qu’il y a à gagner à être reconnu comme handicapé ?

 

(Je préviens mon lecteur que cet article sera riche en mécontentement, parce que son serviteur considère que la gestion du handicap en France est une vaste plaisanterie.)

 

Définitions

Pour la loi française, un handicap, c’est une limitation d’activité ou de la vie en société subie par une personne en raison d’une altération de longue durée d’une ou plusieurs fonctions physiques ou mentales[1]. En très gros, c’est un truc qui empêche de vivre une vie « normale » et qui n’est pas passager.

Il est prévu par les législations en vigueur que l’État compense les personnes concernées à hauteur de ce que leur handicap leur « prend », pour ainsi dire : si quelqu’un ne peut pas s’occuper de ses enfants à cause de son handicap, ou conduire, ou avoir un job, etc., alors c’est l’État qui doit lui fournir ces choses ou des alternatives équivalentes. Ceci est bien sûr théorique : dans les faits, on sait que la France est sérieusement en retard dans tout ce qui concerne la gestion du handicap, que ce soit former les professionnels, construire des bâtiments aux normes, penser l’équipement public, fournir des aides financières, etc.

Pour avoir accès à toutes ces merveilleuses aides offertes par le système, il est néanmoins important de prouver qu’on est bien aussi handicapé qu’on le dit, au cas où l’individu lambda se dirait que feindre une infirmité toute sa vie et subir le capacitisme au quotidien, c’est un bon plan pour gratter le montant faramineux de l’AAH[2]. Pour ce faire, on remplit un dossier auprès d’une Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH)[3], on montre patte blanche, on voit des médecins officiels et, à terme, on est reconnu comme ayant un handicap et on reçoit même un taux d’incapacité, sorte de mesure objective d’à quel point on est impacté[4], parce qu’il ne faudrait pas qu’on aide trop les gens non plus[5].

On se rapprochera également de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) s’il est possible d’exercer un métier malgré le handicap, à condition par exemple que certains aménagements soient mis en place. Si celle-ci valide le projet, on bénéficiera donc du statut de travailleur handicapé[6].

 

On reconnaît mon handicap… à quoi ça me sert ?

Je vais ici tenter de proposer un tour d’horizon à mon lecteur, sachant que je ne suis pas juriste, et que la plupart des aides et droits spéciaux présentés sont toujours dépendants des situations personnelles (âge, taux d’incapacité, revenus, personnes à charge, situations matrimoniales…). Il s’agit donc d’un ordre d’idée et non pas d’une liste de faits indiscutables.

 

La personne handicapée peut espérer[7] :

– Bénéficier de l’AAH si ses revenus sont modestes ou inexistants.

– Bénéficier de la Prestation de Compensation du Handicap, une aide financière qui vise à couvrir les frais engendrés par la perte d’autonomie. Ces frais peuvent inclure l’obtention d’un chien d’assistance ou chien-guide, l’aménagement du domicile, des surcoûts liés aux transports, etc.

– Bénéficier d’une pension d’invalidité, à condition d’avoir travaillé par le passé.

– Obtenir une carte de stationnement, qui lui permet de se garer sur les places réservées aux personnes handicapées ainsi que d’accéder à des bénéfices comme la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées.

– Obtenir une carte d’invalidité, qui elle-même donne accès à d’autres droits (avantages fiscaux, accompagnements gratuits dans certains contextes, priorité dans les files d’attente…).

 

Le travailleur handicapé peut espérer :

– Être prioritaire dans les dispositifs de formation et d’accompagnement à l’emploi.

– Avoir une bonne probabilité d’être engagé, à diplôme égal. Les entreprises de plus de 20 personnes sont en effet financièrement encouragées à engager des employés handicapés[8].

– Pouvoir aménager son poste et ses horaires de travail, dans une certaine mesure.

– Bénéficier d’une retraite à taux plein plus tôt[9].

– Bénéficier d’une durée de préavis plus longue en cas de licenciement.

 

Ce qui nous amène à la question du jour. Si Ananas est autiste, et qu’il pense qu’une fois son handicap reconnu, il pourrait peut-être travailler d’une manière qui lui serait tolérable, ou bénéficier d’une aide histoire de ne pas vivre totalement aux crochets de sa famille, et pourquoi pas reprendre une formation à son rythme quand il s’en sentira prêt… devrait-il lancer les démarches ? Est-ce que ça vaut la peine ?

Je pense que c’est une question à laquelle chacun doit répondre pour lui-même, parce que remplir des dossiers administratifs et rencontrer des médecins inconnus qu’il faut convaincre qu’on va mal n’est jamais rigolo. Ceci étant dit, les dispositifs d’aides sont un peu pourraves, mais ils ont le mérite d’exister. Ce n’est que mon avis, mais je pense qu’il est pertinent de les solliciter, quitte à s’entendre dire « non ». Qui ne tente rien n’a rien.

 

Par où commencer

Le médecin traitant est en général une bonne première étape, ou les référents du dossier du CRA si on est déjà en relation avec eux. Il faudra ensuite entrer en contact avec la Maison du Handicap du département concerné, qui fournira la paperasse à remplir pour que le dossier soit pris en compte. Les délais sont très variables aussi je préfère ne pas en donner ici à mon lecteur, mais qu’il garde en tête que les choses ne seront pas bouclées au terme d’une quinzaine. Qu’il ne désespère pas, cependant : le temps s’écoulera, qu’on dépose un dossier ou non, qu’on fasse les demandes ou non. Autant essayer.

 

Je conclurai en souhaitant bonne chance à mon lecteur qui déciderait de se lancer dans ce parcours, mais aussi, en rappelant que ce genre de décision est éminemment personnel, et ne peut être pris pour quelqu’un d’autre. Peut-être que mon lecteur n’a pas envie qu’on reconnaisse son handicap. Peut-être que cela lui convient dans un cadre privé, mais pas professionnel. Peut-être qu’il tient à ce que son handicap soit reconnu, quand bien même son entourage le considère comme « pas bien grave ». Ces choix ne concernent que ceux qui les prennent, et nous nous devons tous de les respecter.

 

[1]Je résume, la définition complète se trouve dans l’article L114 du Code de l’action sociale et des familles.

[2]L’allocation adulte handicap, qui en juillet 2022 a été ré-évaluée à 956,65 € mensuels pour ceux qui la perçoivent dans son intégralité. Sa délivrance est en outre conditionnée par les revenus de tout le couple et non du seul individu qui la reçoit, afin de s’assurer que les personnes handicapées n’aient aucune indépendance financière. Parce que quand même, faut pas abuser.

[3]Comme le nom l’indique, on se rapproche de celle de son département.

[4]Et est-ce que quiconque pense qu’il est possible de mesurer objectivement l’impact d’un handicap sur la vie de quelqu’un, c’est une question pour un autre jour. 

[5]L’horreur.

[6]Elle peut refuser d’accorder ce statut si la personne n’est pas assez handicapée pour avoir besoin d’un quelconque aménagement, soit si elle l’est trop pour jamais espérer travailler.

[7]J’ai choisi de ne prendre en compte que les aides liées directement au handicap. Une personne handicapée peut par exemple percevoir l’aide personnelle au logement (APL), simplement parce qu’elle rentre dans les critères requis, mais il n’est pas nécessaire d’avoir un handicap reconnu pour bénéficier de l’APL, aussi je ne l’ai pas repris ici.

[8]Dans quelle mesure est-ce que cela compense le capacitisme naturel des RH, c’est une autre question.

[9]Ne me demandez pas quel impact aurait la réforme qui est en pleine discussion à l’heure où j’écris ces lignes, je n’en sais rien.


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