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Le deuil et l’autisme - Partie 1

- Julie BOUCHONVILLE

Le deuil et l’autisme - Partie 1

Les autistes, comme les autres, perdent parfois des proches et des moins proches. Mais quand on est autiste, ressentir ses émotions, les digérer, les exprimer, et les montrer aux autres peut parfois être compliqué. En outre, en tant que proche, comment expliquer la mort à une jeune personne autiste ?

Une fois de plus, réfléchissons-y ensemble.

 

Les autistes et les tabous

Chers neurotypiques[1], vous êtes parfois bizarres avec certains sujets, et la mort en fait partie. Vous n’aimez pas en parler, vous n’aimez pas examiner vos émotions en ce qui la concerne, vous avez des opinions très arrêtées sur ce qui doit arriver à votre corps après qu’il est redevenu un sac de viande[2], et la majorité du temps, vous préférez vivre votre vie comme si la mort était un truc qui n’arrive qu’aux autres[3].

 

Les autistes, en revanche, ne savent pas très bien manipuler les tabous. Quand on nous dit qu’il ne faut pas parler d’un sujet, notre tout premier réflexe est de poser cinquante questions pour essayer de comprendre ce qu’il a de spécial. Nous avons du mal avec un phénomène aussi irrationnel et illogique qu’un thème qu’on ne peut aborder, alors qu’objectivement, il n’a rien de spécial — la mort n’étant, après tout, que l’inverse d’une naissance, dont plein de gens semblent aimer parler[4].

Le deuil, et les traditions qui l’entourent, commence déjà mal pour les autistes, parce que notre rapport à la mort n’est pas le même.

 

Les autistes et la mort

Je fais ici une généralité, bien sûr, mais dans les grandes lignes, la communauté autiste ne s’en sort pas trop mal pour conceptualiser la mort comme faisant partie de la vie. Un élément qui peut poser problème est l’aspect inconnu : la mort a une qualité abstraite qui peut être difficile à percevoir pour certains autistes.

Les autistes ayant une riche vie spirituelle peuvent d’ailleurs mieux vivre le décès d’un proche, quand leur foi leur permet de dissiper l’incertitude qui existe face à la mort : ils savent ce qui est arrivé à leur proche[5], où il se trouve désormais, et peut-être même qu’ils se reverront dans un futur plus ou moins éloigné.

Nous savons que la mort est un phénomène courant et attendu ; mes recherches pas du tout scientifiques sur la question[6] m’ont amenée à considérer que si les autistes peuvent avoir une attitude peu saine vis-à-vis de la mort, c’est plutôt parce que nous avons tendance à en être trop conscients que pas assez[7], ce qui nous amène à y dévouer énormément d’énergie mentale.

 

Parler de la mort à un proche autiste

Un proche est mort ou très malade, un animal de compagnie a eu un accident, et il nous faut soudain avoir une conversation compliquée. Il serait tentant, surtout si la personne ne semble pas toujours bien comprendre ce qui l’entoure, de ne rien dire et de partir du principe que si elle ne demande pas où est passé Untel, c’est que cela ne la tracasse pas. Ce serait néanmoins manquer d’honnêteté, et surtout, prendre le risque qu’elle soit triste et confuse de cette absence sans pouvoir ni expliquer son émotion ni savoir comment verbaliser ses interrogations.

 

Stratégies

Expliquer la mort n’est jamais aisé, mais pour nous, l’idéal est sans doute de limiter les métaphores et de parler du concret. Voici quelques éléments qui peuvent guider la conversation :

– Annoncer qu’Untel est décédé/mort.

– Expliquer comment ça a eu lieu, sans forcément rentrer dans les détails si c’était un accident violent. Par exemple : « Elle était très malade, pas comme un rhume où on va mieux après quelques jours, mais une maladie qui ne guérit pas. Les médecins ont essayé de la soigner, mais ils n’ont pas réussi. Tout son corps était très fatigué par la maladie et il a arrêté de fonctionner, sans qu’on puisse le réparer. Elle n’a pas eu mal, parce qu’on a pu lui donner des médicaments pour l’éviter. »

– Expliquer ce que cela veut dire, concrètement, être mort. Mentionner par exemple que la personne ne marche plus, ne parle plus, que son corps est froid, qu’elle a les yeux fermés et qu’elle ne peut plus se réveiller. J’aime personnellement l’explication qui consiste à dire que le corps de la personne est toujours là, mais que c’est comme si elle était partie, et que son corps n’est plus qu’un tas de matière : ça permet d’éviter la confusion potentiellement angoissante entre le sommeil et la mort, mais il faut que la personne qui reçoit cette explication soit capable de la comprendre.

– Expliquer ce qui va se passer ensuite : on va enterrer/incinérer le corps, organiser une cérémonie ou un rituel pour dire au revoir à la personne, on va se souvenir de la personne et y penser souvent. On ne la verra plus, on pourra lui parler dans notre tête, mais elle ne répondra plus, on ne pourra plus jouer avec elle.

– Impliquer la personne autiste dans les rituels liés à la mort : qu’il s’agisse d’enterrer un animal de compagnie dans le fond du jardin ou d’effleurer le cercueil d’un proche avant qu’il ne soit traité par les pompes funèbres, s’impliquer dans le rituel, être là, voir de ses yeux ce qui se passe ; tout ceci aide non seulement à réaliser ce qui s’est passé, mais prépare aussi le terrain pour passer au-dessus de la perte.

– Être prêt à revisiter le sujet dans les semaines à venir. La notion restera présente dans l’esprit de la personne autiste, qui y reviendra plus ou moins régulièrement en pensées et, peut-être, en paroles. Chaque individu gère le deuil à sa manière, et tant que la personne ne semble pas devenir complètement obsédée par la mort, il n’y a pas à s’inquiéter sur la fréquence de questions ou d’actions liées au décès. Il est en revanche tout à fait acceptable, si ces conversations sont douloureuses pour un autre membre de la famille, de dire quelque chose comme « je n’ai pas envie d’en parler maintenant, je préfèrerais que tu demandes à Ananas ou que tu attendes que je me sente mieux » ou « Je préfère qu’on ne parle pas de ça devant ta sœur, ça la rend très triste de penser à Kiwi pour le moment, parlons-en ce soir dans la voiture quand on sera juste tous les deux ».

 

Je laisse mon lecteur digérer ces informations, et la semaine prochaine, nous aborderons des réactions pouvant surprendre de la part de personnes autistes.

 

[1]Ou neurotypiques de l’ouest de l’Europe, en tout cas ; la culture joue pas mal.

[2]Vous trouvez d’ailleurs peut-être cette figure de style un peu irrespectueuse.

[3]Je généralise, bien sûr. Je ne doute pas que de nombreux neurotypiques soient très à l’aise avec leur propre mortalité.

[4]Et s’il est socialement admis d’adorer les nouveaux-nés sous prétexte qu’ils sont mignons (alors que ça dépend vraiment du nouveau-né), je ne connais personne qui affirme adorer les personnes en fin de vie, mignonnes ou pas.

[5]A condition bien sûr que cet aspect du cycle de la vie soit traité par leur tradition spirituelle, s’entend.

[6]Lire beaucoup, beaucoup de questions/réponses sur Reddit ainsi que des articles de blog.

[7]Je fais personnellement partie de cette équipe. Je sais qu’à l’heure où j’écris ceci, il me reste environ 2575 semaines à vivre. J’en ai déjà grillé un peu plus de 1600. Tic tac.


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