Améliorer l’intéroception de la personne autiste
- Julie BOUCHONVILLE
Il y a quelques semaines, j’ai été ravie de voir que mon article sur l’intéroception, et la check-list que j’utilise pour compenser mes compétences limitées en la matière, ont rencontré l’enthousiasme de mon lecteur. Je me permets donc de revenir sur ce sujet intéressant, en examinant quelques pistes qui permettent d’améliorer cette perception.
Qu’est-ce que l’intéroception ?
Étant rentrée dans les détails lors de mon précédent article[1], je la ferai courte ici : l’intéroception, c’est la capacité à ressentir et identifier ce qui se passe à l’intérieur de son corps. Cela inclut l’identification de sensation et/ou de besoins physiologiques, mais aussi de manifestations physiques des émotions. Une personne avec une mauvaise intéroception peut avoir un rapport décalé à la douleur, la percevant moins, moins bien ou différemment, et/ou souffrir d’alexithymie.
Peut-on améliorer son intéroception ?
Je l’espère, sinon cet article n’aurait vraiment aucun sens. Plaisanterie mise à part, oui, une amélioration est possible. L’intéroception semble trouver sa source dans ce à quoi le cerveau fait attention, pour dire les choses simplement, au même titre que la proprioception[2]. Et si quelques séances de kinés suffisent à voir une amélioration de cette dernière, on peut également s’attendre à ce qu’un entraînement régulier permette d’améliorer la première.
Comment améliorer l’intéroception
Se tourner vers un professionnel
Dans le doute, se tourner vers un thérapeute peut être une bonne option. S’il n’existe à ma connaissance pas de spécialiste en la question, un ergothérapeute, un psy spécialisé en thérapie cognitive et comportementale ou même un hypnothérapeute expérimenté dans la prise en charge de symptômes impliquant l’attention portée au corps devraient pouvoir se montrer utiles.
Le nombre de séances devrait pouvoir être limité, l’idée étant de travailler sur quelques exercices le temps de comprendre leur mécanisme, de déterminer quand et comment les déployer, et de s’assurer qu’ils ont un impact positif.
Se débrouiller chez soi
La liste d’exercices que je propose ici n’est en aucun cas exhaustive, et ils ne sont pas magiques en eux-mêmes : l’idée est juste de prendre l’habitude de noter ce qui se passe dans le corps. Toutes les stratégies sont bonnes pour amener ce moment d’attention, et idéalement, d’identification de ce qui a pu être remarqué.
Également, si mon lecteur devait pratiquer ces exercices avec un enfant, il convient d’adapter le vocabulaire et la durée de l’exercice à ce qui est cohérent pour cet enfant, afin que la tâche ne devienne pas source de frustration.
1) L’activité physique : plutôt douce, au moins au début, et pratiquée idéalement en faisant attention à ce qui se passe[3].
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2) Le scan corporel : technique souvent employée en méditation, il s’agit de s’asseoir dans une position confortable et de scanner mentalement tout le corps, des pieds à la tête (ou inversement). On note chaque tension, chaque sensation, sans la juger ni chercher à la modifier. La technique peut être un peu longue aussi, pour les débutants, on peut tout à fait commencer de la tête aux hanches, par exemple. Il est aussi très possible de ne scanner qu’un membre si l’on n’a que quelques instants.[4]
3) Boire en pleine conscience : moins émotionnellement chargé que le même exercice appliqué à la nourriture, boire en pleine conscience est une technique toute simple qu’on peut appliquer de nombreuses fois par jour. Il s’agit d’observer et de noter comment on se sent juste avant de boire, de noter le poids du verre ou de la tasse dans la main, la texture du contenant ou de la paille sur les lèvres, la sensation du liquide dans la bouche, etc. En étant attentif, on peut suivre le trajet du liquide dans l’œsophage et son arrivée dans l’estomac. Et si l’on avait soif, un sentiment de bien-être ne manque pas de suivre : lui aussi peut être repéré lorsqu’il se présente.
4) Respirer en pleine conscience : un autre classique de la méditation, il s’agit de s’observer respirer et d’essayer de ressentir le trajet de l’air, dès son entrée dans les narines jusque dans le bas des poumons. On peut aussi observer les mouvements de la poitrine et de l’abdomen, fermer les yeux pour prendre conscience des mouvements, essayer de sentir les côtes et le diaphragme qui bougent ou la texture de l’air dans les fosses nasales.
5) Évoquer une émotion et l’observer : l’idéal est de choisir un souvenir où l’on a ressenti une émotion forte, plutôt positive afin de ne pas se rendre triste tout seul. En se replongeant dans les modalités sensorielles de ce souvenir (ce que l’on voyait, les odeurs, les sons, les données tactiles…) en plus de son déroulé, l’on peut en général ramener l’émotion que l’on ressentait. On peut alors l’examiner : où la ressent-on dans le corps ? Est-elle liée à une sensation de froid, de chaud ? A-t-elle une couleur ? Une forme ? Est-elle associée à un son, un mot ? Donne-t-elle envie de bouger, de rester immobile ? Il n’y a que de bonnes réponses dans cette analyse, et c’est parfaitement acceptable si, au début, il est difficile ou impossible de répondre.[5]
Conclusion
J’espère avoir, par cet article, fourni quelques pistes à mon lecteur. Une mauvaise intéroception ne devient pas bonne du jour au lendemain, mais elle peut être améliorée de manière significative et sans pénibilité particulière.
[1]https://bienetreautiste.com/blogs/infos/autisme-et-interoception-l-astuce-ultime
[2]La proprioception, c’est notre capacité à savoir dans quelle position nous nous trouvons, à sentir le poids sur corps sur ses appuis, et à détecter et comprendre ses mouvements dans l’espace. On la lie souvent au sens de l’équilibre, et si c’est en vérité un peu plus complexe que cela, la proprioception est en tout cas impliquée dans le sens de l’équilibre.
[3]Je suis la première à trouver que tout est mieux avec un livre audio en arrière plan, mais parfois, c’est pas mal de dédier son entière attention à ce qui passe dans un ischiojambier qu’on étire.
[4]C’est un peu tangent, mais se concentrer sur les sensations tactiles des pieds reste à ce jour la meilleure astuce que je connaisse pour prévenir une attaque de panique.
[5]À titre personnel, mes premières tentatives ressemblaient à « c’est agréable » et pas grand-chose d’autre, et j’avais un mal fou à faire la différence entre une émotion et une pensée.
Bonjour,
Je viens de tomber sur cette article intéroceptio n.J’ai un fils autiste qui aura 12 en Janvier 2025.Je me pose toujours la question :Pourquoi n’est-il jamais satisfait d’avoir jouer longtemps sur sa tablette !? Est ce aussi un rapport avec l’interoception ?
Parfois pour d’autres choses!?
😊