Améliorer la reconnaissance visuelle des émotions avec Emoface
- Julie BOUCHONVILLE
Une fois n’est pas coutume, nous parlons d’un produit plutôt que d’un concept, et plus précisément d’une appli permettant de travailler la reconnaissance des émotions sur le visage d’autrui.
Qu’est-ce qu’Emoface et à qui est-ce destiné ?
L’application est construite comme une suite de niveaux, chacun comportant plusieurs petits jeux permettant de travailler une compétence de la reconnaissance émotionnelle. Les niveaux abordent toutes les émotions et des compétences de plus en plus complexes — dans le premier niveau on détermine si deux expressions d’émotions sont identiques ou non, par exemple, et dans les derniers on associe des émotions à des situations données. Il est aussi possible de s’entraîner sur des compétences ciblées abordées dans la progression en niveaux.
L’application est destinée aux personnes autistes et neurodivergentes au sens large et ne nécessite pas de savoir lire, écrire ou parler avec sa bouche. Les consignes sont lues par une voix off, et le design bien conçu rend l’objectif de chaque jeu assez intuitif. Il n’y a pas d’âge cible, les enfants dès 3 ans seront sûrement une bonne partie du public, mais un adulte ayant du mal dans l’identification des émotions bénéficiera sans doute également de l’entraînement[1].
Quelles compétences peut-on acquérir avec Emoface ?
La reconnaissance des émotions typiques chez autrui. Les images qui permettent cette reconnaissance sont personnalisables, ce qui veut dire que l’on peut prendre des photos où l’on exprime les émotions d’une manière de plus en plus subtile ou simplement d’une manière un peu différente, pour ne pas entraîner la personne qui utilise l’appli à simplement reconnaître une photo.
L’appli ne permet pas, en l’état actuel des choses, de s’entraîner à reconnaître ses propres émotions, une tâche plus complexe et ne permettant probablement pas de passer par un médium 100 % visuel. Une fonction propose de s’entraîner à imiter une émotion nommée, mais si elle est ludique, elle ne permet pas d’aller plus loin.
Points forts et points faibles d’Emoface
Points faibles
- Les illustrations par défaut comportent un jeu de photos de vrais humains et un jeu d’images de synthèse qui évoquent les premières heures de l’animation. Ces dernières sont peu confortables à utiliser, tant parce que leurs émotions ne sont pas toujours très lisibles que parce qu’elles sont carrément malaisantes par moment. Le haut contraste autour de la zone des yeux est particulièrement déplaisant pour la personne autiste dont le regard est ainsi attiré[2].
Remarques
- Emoface semble atteindre ses objectifs, mais ce n’est qu’une première étape de l’entraînement. Correctement identifier les émotions des humains quand on n’y arrive pas d’instinct est une tâche complexe et une fois que la personne maîtrise à peu près ce que l’appli a à offrir, il convient de continuer à s’exercer.
- Je ne dis pas qu’il aurait fallu faire autrement, mais en entraînant les personnes neurodivergentes à reconnaître la manière dont les neurotypiques expriment les émotions[3], j’ai la sensation qu’on perd une opportunité de leur donner un sentiment d’appartenance, et de pour une fois laisser les neurotypiques faire un pas vers elles.
- L’abonnement mensuel coûte 9,99 €/mois.
Points forts
- La personnalisation des illustrations est un excellent point, tant pour permettre de s’entraîner sur un grand panel de visages que pour varier l’intensité des émotions exprimées.
- Il est possible de créer plusieurs profils par compte, pour un usage familial, et il est possible de créer un compte pro pour les soignants désirant utiliser l’outil avec leurs clients.
- La durée de chaque exercice est pile ce qu’il faut.
- Il est possible de consulter les statistiques d’utilisation de l’appli et des performances atteintes.
Conclusion
Le service proposé est simple, mais semble aussi complet qu’il puisse l’être selon ses propres paramètres d’accessibilité et de public cible. C’est une bonne première étape pour les personnes en ressentant le besoin, ou un outil bien conçu à ajouter à la trousse de la compréhension des émotions pour les jeunes enfants qui se familiarisent avec ces concepts.
[1]Les graphismes mignons et pastel peuvent être un peu infantilisants, ceci dit.
[2]Était-ce fait exprès ? Je serais tentée de dire oui parce que les choix graphiques sont rarement accidentels.
[3]Beaucoup de personnes autistes ont assez peu de mobilité émotionnelle au niveau du visage, par exemple.