Autisme et créativité
- Julie BOUCHONVILLE
Les personnes autistes sont douées pour pas mal de choses. S’il s’agit de traiter de grandes quantités d’informations, d’identifier des patterns ou de suivre un processus de manière rigoureuse, par exemple, alors il est bien connu que les autistes sont les meilleurs.
La créativité, en revanche, n’est pas censée être notre point fort. L’imagination n’est pas un trait très développé chez la plupart des autistes, et un esprit généralement assez « mathématique » ne se prête pas plus que ça à l’originalité ou à l’inattendu.
Ou du moins, c’est ce qu’on pourrait croire. Bien que tout ce que je viens de mentionner soit un stéréotype très répandu, et qui a sans doute une fondation de réalité, il n’est pas rare pour autant de voir des autistes peindre avec enthousiasme, écrire des romans ou de la poésie ou simplement amener des solutions si novatrices à des problèmes connus que personne n’y aurait pensé.
Comment expliquer ce paradoxe ?
Une approche différente de la créativité
Dans une étude de 2015 réalisée par une équipe des universités de Stirling et d’East Anglia[1], des personnes autistes et neurotypiques ont participé à des expériences censées mesurer leur créativité. Ça a été fait en leur présentant des images un peu vagues dont on leur demandait d’imaginer le plus de significations différentes, ainsi qu’en leur fournissant des objets du quotidien et en leur demandant de trouver le plus d’utilisations inhabituelles possibles pour ces objets. Le nombre d’interprétations/utilisations trouvé dans un temps donné, ainsi que le degré d’originalité des utilisations d’objets, a ensuite été examiné.
Les personnes autistes avaient tendance à offrir moins de réponses en une minute, mais leurs réponses étaient généralement beaucoup plus originales.
Quand on ne demande pas aux autistes de faire preuve de créativité, leur tendance à adhérer aux règles prend plus naturellement le dessus, mais on pourrait le voir comme une forme de biais cognitif plutôt que comme un déficit. Leur cerveau préfère prendre cette direction parce qu’elle est la plus spontanée pour lui. Quand on demande explicitement de la créativité, en revanche, on peut supposer que la capacité des autistes à voir le monde différemment des neurotypiques et à s’affranchir des pressions sociales leur permet d’être plus originaux et novateurs que ce à quoi on se serait attendu – plus même que les neurotypiques.
De potentielles implications
L’une des problématiques les plus importantes lorsque l’on parle des forces et faiblesses des personnes autistes est leur capacité à s’intégrer à la société et à avoir un job. On pourrait se demander s’il n’est pas bizarre que le capitalisme nous ait à ce point conquis qu’on juge la réussite ou l’échec d’une personne à sa capacité à produire de la valeur, mais là n’est pas le débat.
Souvent, ce sont les talents techniques ou mathématiques des autistes qui sont mis en avant : ils peuvent contrôler la qualité de chaînes de production ou le respect de certaines procédures, écrire du code, créer ou corriger des plans, trier des données, corriger l’orthographe de manuscrits, etc.
L’étude que j’ai mentionnée ne va pas changer la face du monde, mais elle met en lumière que nos talents ne se résument pas à ces capacités techniques. Non pas qu’il y ait un quelconque mal à être orienté vers la technique, loin de moi cette idée. Simplement, ce n’est pas tout ce dont nous sommes capables : dans le bon contexte, nous pouvons être créatifs, novateurs, originaux. Cela aussi est une force à mettre en avant et un domaine à développer lorsque nous recherchons du travail et cherchons à nous intégrer à des organisations.
Et en attendant ça peut toujours faire une piste intéressante pour se découvrir de nouvelles passions.
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[1]https://link.springer.com/article/10.1007/s10803-015-2518-2
Très instructif, comme toujours
Merci de cet éclairage