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« Autiste, et alors ? » - le droit à l’indifférence - Partie 2

- Julie BOUCHONVILLE

« Autiste, et alors ? » - le droit à l’indifférence - Partie 2

Dans la première partie de cet article, nous avons abordé la notion de droit à l’indifférence, c’est à dire, la possibilité qu’une particularité d’une minorité soit comprise par le grand public mais généralement considérée comme indigne qu’on s’y attarde. Ayant déterminé de quoi il s’agissait et ce qu’il impliquait, nous abordons aujourd’hui des questions plus pratiques.

 

Quand est-il acquis ?

Que mon lecteur pardonne son humble serviteur, mais pour moi, le facteur déterminant a toujours été lié à la fiction. Dans les œuvres de fiction « mainstream »[1], une particularité comme l’appartenance à une minorité suit en général un parcours précis :

Dans ce que j’appellerai la génération 0, la minorité est absente ou à peine représentée.

Génération 1 : une certaine représentation existe mais les histoires de ces personnages en tant que personnes issues de minorités n’ont pas d’importance.

Génération 2 : on parle des histoires des personnages issus des minorités, souvent au point où c’est la seule chose qu’on trouve à dire sur eux. Par exemple, le personnage autiste sert à raconter une histoire d’autiste et d’autisme.

Génération 3 : les personnages issues de minorités sont présents, et leur appartenance à la minorité peut être traitée, mais ce n’est pas le sujet principal. Par exemple, le personnage autiste est un enquêteur dans un roman policier. Son autisme est mentionné, mais n’est pas l’élément central de l’histoire ou de la construction de son personnage.

 

La fiction est un mon sens à la fois le reflet d’une attitude générale mais aussi une influence sur l’attitude générale, et si cela est vrai, alors on ne peut pas dire qu’on a gagné le droit à l’indifférence avant la génération 3 des œuvres de fiction.

Bien sûr, cet argument vaut ce qu’il vaut : toutes les œuvres de fiction ne sont pas écrites par le même organe, on peut très bien avoir une série qui fait de la G3 pendant que des romans G1 sont publiés, qu’un film G4[2] est annoncé et qu’une BD fait de la G0. De plus, la notion même « d’oeuvre mainstream » est sujette à interprétation, puisqu’aucune œuvre n’a d’impact universel, que ce soit du point de vue du genre[3], de la géographie, de la classe sociale des consommateurs, etc.

Je pense néanmoins que, si on garde en tête ses limites, cet outil n’est pas dénué de valeur. Le jour où l’on constate que l’on commence à avoir à disposition des œuvres où nos histoires sont racontées sans pathos excessif, où des personnages qui nous ressemblent peuvent espérer de vrais arcs narratifs qui ne soient pas juste « c’est difficile d’être [insérer une minorité], quand même », on sait que les choses sont en train de changer.

En allant une étape plus loin, selon ce principe, on constate aussi qu’une méthode efficace pour banaliser un phénomène aux yeux du grand public est de s’en servir en fiction et, dans son environnement fictionnel, de traiter ce phénomène comme banal.

 

Les risques de la banalisation

Au premier abord, traiter la particularité d’une personne comme une banalité paraît risqué, parce qu’intuitivement on se dit qu’il n’y a qu’un pas entre la banalisation et l’effacement. En considérant que l’autisme n’est qu’un trait de la personne, au même titre que la couleur de ses cheveux ou sa couleur préférée, ne risque-t-on pas de finir comme ces personnes qui, sous couvert de ne pas prêter attention aux races[4], finissent par croire que le racisme n’existe pas et que tout le monde a les mêmes opportunités ?

 

Oui, c’est un risque réel, et c’est pour cela qu’il est important d’être non seulement habitué à voir une minorité, mais aussi d’être informé à son sujet. D’abord, être informé permet de ne pas être surpris dès lors qu’une personne ne se comporte pas exactement comme la caricature de sa caractéristique. Mais surtout, être informé permet d’être au courant, à l’échelle individuelle, des spécificités liés à cette caractéristique. Ce que nous ne connaissons pas a toujours un parfum d’altérité ou d’exotisme, et on ne peut y être totalement indifférent.

Banaliser implique donc d’être correctement informé, afin de ne pas tomber dans le travers de la demi-compréhension, où l’on pense tout savoir parce qu’on a lu un flyer une fois en faisant la queue. C’est pour cela qu’une approche « mieux que rien » n’est pas toujours – voire jamais ? – pertinente lorsque l’on propose des représentations au grand public : il est important que ces représentations soient un minimum honnêtes et factuellement correctes, sinon quoi elles risquent de desservir le propos. Loin de moi l’idée d’exiger la perfection en permanence, mais un équilibre peut et devrait être trouvé.

 

Redisons-le donc : la vraie banalisation n’est pas le mépris, le désintérêt ou la méconnaissance. Être indifférent implique de connaître le sujet, de le comprendre, et de le traiter pour ce qu’il est et non pas pour ce qu’on y projette.

 

Tous les autistes aimeraient-ils que leur autisme soit traité avec indifférence ?

Ayant listé tout ce que cela implique, et tout ce que l’indifférence n’est pas, je crois pouvoir affirmer que oui. J’encourage mon lecteur à me faire savoir si je me trompe.

 

En conclusion

Que conclure après ce (trop) long texte ? Je dirais que si mon lecteur, autiste ou non, aimerait aider la condition de tous les autistes autour de lui, la chose la plus simple qu’il puisse faire est de parler de nous. Aussi souvent que possible. En passant, vite fait, sans en faire des tonnes. L’indifférence passe par l’exposition, et il est grand temps que la population générale commence sa thérapie comportementale et cognitive à notre encontre.

 

[1]J’entends par mainstream : qui ne soit pas une œuvre de niche connue de quelques centaines ou milliers de personnes seulement, mais bien consommée par de vastes groupes de personnes.

[2]Aucune idée de ce que ce serait. Du G3 mais toute l’équipe de production appartient elle aussi à la minorité en question ?

[3]Au sens de genre dans la fiction, par exemple policier, fantastique, romance, etc.

[4]Nous sommes d’accord que les races humaines sont un artefact basé sur des variations morphologiques continues, mais le racisme basé sur ces (fausses) races est, lui, bien réel.


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