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L’art délicat de demander des trucs

- Julie BOUCHONVILLE

L’art délicat de demander des trucs

Si mon lecteur a participé à notre live du mardi 18/05, il se rappelle sans doute qu’une question intéressante a été posée de plusieurs manières : « comment demander aux gens d’accommoder notre autisme ? ». Nous en avons parlé, mais le sujet méritait son propre article, comme quelqu’un l’a fait remarquer avec beaucoup de justesse.

Alors, cher lecteur. Comment demander à quelqu’un de se pousser, de faire quelque chose pour nous ou notre proche autiste, de ne surtout pas le faire au contraire, d’attendre une minute, de faire preuve de patience à notre égard ?

Essayons d’en parler ensemble.

 

Ce qu’on est susceptible de demander

Nos demandes, qu’elles soient pour nous-mêmes ou pour un proche autiste, tombent essentiellement dans deux catégories : les choses qu’on aimerait que les gens fassent, et les choses qu’on aimerait qu’ils s’abstiennent de faire.

Il n’est pas possible d’établir une liste exhaustive, mais voici quelques exemples :

– Une commande hors-menu dans un restaurant

– Qu’un passant tienne son chien en laisse

– Un délai supplémentaire pour un devoir à rendre

Échanger des places de train[1]

– Qu’un collègue aille manger plus loin

– Qu’une pièce soit aérée

– Que quelqu’un arrête de nous toucher

– Qu’un coup de téléphone ait lieu dans une autre pièce

– De pouvoir zapper certaines réunions non-obligatoires au boulot

– Qu’un rendez-vous soit remplacé par une visio, ou qu’un coup de téléphone soit remplacé par un email

– …

 

Ai-je le droit de demander un traitement de faveur ?

Vis-à-vis des requêtes, je pense qu’on peut classer les gens en deux catégories : ceux qui trouvent aberrant de refuser une requête, et ceux qui considèrent que c’est parfaitement acceptable. Les seconds ont moins peur de demander : après tout, la personne n’a qu’à refuser si elle le désire. Les premiers veulent éviter de forcer la main de leur entourage et ne vont jamais demander que ce qu’ils savent qui sera accepté automatiquement.

Si je mentionne ces deux manières d’aborder le monde, c’est parce que beaucoup de gens, surtout les femmes qui sont censées avoir continuellement envie de rendre service à l’humanité toute entière, sont élevés dans cette notion que refuser une requête est mal, mais donc aussi que toutes les requêtes ne peuvent pas être formulées – puisqu’elles ne sont au fond que des commandes avec un vernis de politesse par-dessus.

Qui a raison ? Personne. Tout le monde. Mais en tant que personne élevée dans la première catégorie[2], voilà ce que j’ai appris : la vie est plus facile dans la seconde. Tout est plus simple si on part du principe que formuler une demande n’a jamais tué personne, que les gens peuvent refuser s’ils en ont envie, que nous ne sommes pas tous menottés par des principes de politesse dignes d’un roman historique à la cour impériale.

 

Demander à un professeur s’il serait possible d’avoir un délai supplémentaire pour un devoir parce que notre cerveau fonctionne différemment ne revient pas à exiger un traitement de faveur. Mettre en place un environnement qui nous évitera un shutdown[3] non plus, pas plus que de trouver quelque chose à manger dans un restaurant lorsqu’on souffre de néophobie alimentaire ou de s’assurer que l’on puisse effectuer le travail pour lequel on nous paye. Nos corps sont différents des corps des personnes neurotypiques. Nos cerveaux sont différents. Nous n’habitons pas le monde de la même façon. Demander à réduire l’écart n’est pas exiger un privilège.

Sommes-nous légitime lorsque nous demandons un peu de temps, une petite modification, un peu de patience pour nos proches ou pour nous-mêmes ?

Oui. Inconditionnellement, oui.

 

J’ai peur de déranger les gens, qu’on me trouve impoli ou d’être la cible d’une réaction hostile

Que mon lecteur répète après moi : « Moi et mes proches nous avons le droit d’exister et d’honorer nos besoins ».

Est-ce facile de dire « Hey, modifie ton comportement pour moi ! » ? Non, bien sûr. Les autistes souffrent souvent de phobie sociale histoire de se faciliter la vie, et n’oublions pas que quiconque a un lien de parenté directe avec une personne autiste a une probabilité plus élevée de vivre avec un neurotype un peu divergent de la norme d’une manière ou d’une autre.

On peut commencer à s’entraîner avec ses proches, et n’avoir que de toutes petites requêtes lorsqu’on s’adresse à des inconnus : demander son chemin ou si la personne accepterait de prendre une photo de groupe, par exemple. Les gens pourront toujours répondre qu’ils n’ont pas le temps s’ils n’ont pas envie d’accepter.

Une fois que mon lecteur n’a plus de palpitations lorsqu’il effectue ce genre de choses, il peut passer au niveau supérieur.

 

Bien sûr, la vie en société implique des compromis, et je ne suis pas en train de suggérer que les autistes et leurs proches se mettent à crier sur des passants innocents. Je veux plutôt suggérer que si nous sommes polis et que notre requête est raisonnable[4], il n’y a pas de raison de penser que nous allons déranger celui à qui nous la faisons. A fortiori si on part du principe que cette personne a le droit de refuser.

Préciser que l’on est autiste peut être utile. Souvent les gens sont un peu mal à l’aise mais désirent néanmoins aider ceux qu’ils perçoivent comme en situation de handicap. Sans tomber dans le mélodrama ou en faire des tonnes, on peut tout à fait ouvrir la conversation comme ceci :

— Pardonnez-moi de vous déranger, mais ma fille est autiste, est-ce que vous pourriez nous aider ?

ou

— Je suis désolé de t’ennuyer, mais je suis autiste et ça fait que je suis très sensible à X. Est-ce que tu crois que tu pourrais faire Y ?

 

Si la requête est faite à l’écrit, il peut être utile de mentionner l’autisme dans la première partie du message, avant la requête. (Et à l’écrit, on peut prendre le temps d’expliquer plus en détails en quoi le neurotype rend nécessaire la requête.)

 

Dans l’écrasante majorité des cas, la pire chose qui puisse se produire est que la personne à qui l’on a fait une demande refuse. Si mon lecteur doit essuyer un refus, qu’il garde à l’esprit que ce n’est pas personnel. Et selon la situation, la personne en face de lui pourra peut-être lui fournir une alternative (« Non, on ne peut pas déplacer ton bureau parce que les clients qui passent dans l’open space vont trouver ça bizarre que tu sois tout seul dans un coin face au mur, mais si tu veux on peut te rajouter un écran pour que ton poste de travail soit plus immersif ») ou l’orienter vers quelqu’un qui pourra l’aider, ou il sera simplement possible de demander la même chose à quelqu’un d’autre[5].

Parfois, il sera possible de composer avec un refus parce qu’on a la réserve mentale nécessaire pour ce faire. Parfois, on ne pourra pas tolérer la situation telle qu’elle est et il vaudra mieux partir. Il n’y a aucune honte à quitter un environnement qui ne nous convient pas, que ce soit un wagon de tram ou un job. Ce n’est pas un échec, ce n’est pas un aveu de faiblesse, ce n’est pas une régression. Savoir identifier ce qui risque de nous nuire sur le long terme et refuser de s’y soumettre est au contraire un signe d’intelligence et de maturité.

 

Dans l’éventualité où une personne se montrerait hostile suite à une requête, qu’elle soit directement concernée ou simple témoin, une seule voie à suivre :

1) C’est cette personne qui a un problème.

2) « C’était une simple demande, je n’ai pas à me justifier auprès de vous. »

3) S’il est possible de reporter son comportement à quelqu’un sans que ce soit trop compliqué, il est utile de le faire.

 

Nous et nos proches avons, comme tout le monde, le droit d’exister et d’honorer nos besoins. C’est la base. Si quelqu’un pense le contraire, ça en dit plus long sur lui que sur nous.

 

Conclusion

Exister en tant que personne autiste est déjà un acte militant. Au plus nous sommes visibles, au plus souvent nous nous exprimons et défendons nos droits, au plus nos collègues neurotypiques s’habituent à notre présence. Mais être un militant, même de manière involontaire, est épuisant et complexe. Il est souvent compliqué de demander quelque chose aux gens autour de nous, et je comprends parfaitement toutes les fois où mon lecteur a préféré et préférera partir sans rien dire ou juste subir un mauvais moment plutôt que de déranger. Nous sommes tous passés par là, nous y passerons encore dans le futur.

Les jours où mon lecteur se sentira prêt à le faire, je l’encourage à parler, que ce soit en son nom ou en celui de ses proches autistes. À demander. À essayer. Au plus il s’y entraînera, au plus facile l’exercice lui paraîtra.

 

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[1]La personne avec qui je vis a plus ou moins perfectionné un algorithme de place optimale dans les trains, et mine de rien, il n’y en a pas tant que ça.

[2]« Refuser une requête ? Pourquoi ne pas cracher au visage des gens, tant qu’on y est ! »

[3]Voir notre article de la semaine dernière

[4]« Serait-il possible d’avoir juste des pâtes sans assaisonnement, s’il vous plaît ? Oui, insipides, exactement, c’est ce qu’on vise » est une requête raisonnable. Par opposition, je considère comme déraisonnable tout ce qui ne peut pas être fait très facilement par la personne à qui l’on fait la demande, par exemple « Hé boss, est-ce qu’on pourrait refaire la moquette de tout l’étage ? Non parce que la texture me donne envie de démissionner. Non ? Pas possible ? ».

[5]Par exemple dans le cas où on aimerait échanger sa place de train avec quelqu’un.


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