La mentalité binaire

Beaucoup d’autistes sont accusés de rigidité mentale par leur entourage. Incapacité à nuancer, présentation des problèmes de manière binaire, perception du monde via un filtre « noir ou blanc », … on nous reproche souvent ce mode de pensée qui laisse peu de place aux explications.

Mais d’où vient ce problème ? Examinons la question ensemble.

Différence entre faits et émotions

Les autistes ont souvent des émotions qui partent dans tous les sens. Ce n’est pas toujours très visible, cela dépend selon l’individu, mais notre environnement est susceptible de déclencher en nous de véritables tsunamis émotionnels. Pourtant, nous sommes souvent perçus, au moins dans la sagesse populaire, comme des personnes rationnelles au point de la rigidité. Comment ces deux notions peuvent-elles coexister ?

Simplement, les personnes autistes ont moins tendance que les autres à confondre leurs émotions avec des faits. Nous savons que ce que nous ressentons peut n’avoir que peu de rapport avec la réalité. Nous pouvons changer d’avis du tout au tout sur un sujet simplement parce qu’un nouvel argument nous a été présenté.

Je n’affirme pas ici que nous ne nous laissons jamais influencer par nos émotions, bien sûr. Simplement, nous y sommes moins susceptibles, et lorsque cela nous arrive, c’est souvent dans une situation où nous avons peu de données tangibles sur lesquelles nous baser.

De ce fait, nous laissons moins nos émotions colorer une situation qu’une personne qui ne serait pas autiste.

Examen poussé des situations

Nous aimons comprendre les situations et les examiner sous plusieurs points de vue. Une situation, même complexe, peut être résumée à une essence simple si on la comprend bien. Ce n’est pas penser en noir et blanc que d’être capable de déterminer que tel problème est un peu la responsabilité d’Untel, et beaucoup celle d’Untel Autre, ou de pouvoir affirmer que telle voiture d’occasion est une poubelle malgré qu’elle soit très jolie.

Un gros biais qui touche beaucoup d’autistes est la notion qu’il existe, pour chaque situation, Une Vérité, et que si l’on creuse suffisamment, on pourra identifier cette vérité. Elle est indépendante de l’opinion des gens autour et de leurs perceptions, elle ne change pas selon l’observateur, elle est. C’est problématique, d’abord parce que toutes les situations ne possèdent pas de vérité absolue identifiable, mais surtout parce que les neurotypiques considèrent que leur interprétation honnête de la vérité est tout aussi importante, et nous reprocheront volontiers de ne pas prendre cela en compte.

La beauté d’une situation lisible

Si nous pouvons sembler rigides dans notre façon de penser, c’est aussi parce que nous préférons les situations claires et lisibles aux situations mal rangées, fouillis, brouillon. Si nous savons précisément ce qu’il en est et ce que nous devons faire, non seulement c’est moins fatiguant pour nous mais nous risquons aussi moins de commettre des faux-pas ou de dégrader les choses. Il est donc très possible que, dans notre empressement à mieux comprendre les situations pour pouvoir les simplifier, nous omettions des éléments pourtant essentiels et arrivions à un résultat trop simple.

Offrir du contexte à un proche

Si mon lecteur a l’impression que son proche autiste juge trop vite une situation, il peut lui fournir des éléments de contexte ou des détails qui n’auraient pas dû être ignorés. Par exemple, dans une situation où une personne décréterait que sa dictée a été un échec parce qu’elle n’a obtenu que 16/20, il peut être pertinent de lui rappeler que le professeur, lui, a considéré que c’était une bonne note dans l’ensemble. Ou que la note est meilleure que celle de la dictée précédente. Ou que certes, certains mots peuvent être vus comme des échecs puisque mal écrits, mais que la majorité d’entre eux sont des victoires.

Conclusion

Pensons-nous vraiment en noir et blanc ? Pas tout à fait. Nous pouvons certainement donner cette impression, mais c’est parce que nous aimons simplifier les questions et que nous ne considérons pas comme importants les mêmes facteurs que les non-autistes.

Pour ce que ça vaut, nous avons l’impression que les non-autistes pensent n’importe comment.

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