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Le mythe de l’enfant remplacé

- Julie BOUCHONVILLE

Le mythe de l’enfant remplacé

C’est une mise en histoire qu’on rencontre souvent lorsque l’on parle d’autisme chez les enfants : une famille accueille un bébé qui semble normal, charmant, en bonne santé. Puis, vers son premier anniversaire ou ses dix-huit mois, l’enfant change. Il sourit moins voire plus du tout, son développement déraille de la courbe classique, il a des comportements répétitifs impossibles à ignorer, il développe des hypersensibilités à toutes sortes de stimulus, etc.

De nombreuses familles utilisent des tournures de phrases telles que « il n’est plus le même », « j’ai l’impression que de ce n’est plus ma fille », « j’aimerais qu’on me rende mon enfant comme il était », etc.

Ce qui est intéressant, c’est que cette impression ne date pas d’hier.

 

Par le passé

Dans certaines parties de l’Europe médiévale, le mythe du changelin était bien ancré et est proposé par de nombreux historiens comme une tentative d’explication du handicap ou de la neurodivergence chez les enfants. Les fées (ou les elfes, les trolls, ou d’autres créatures folkloriques) étaient censées kidnapper des enfants humains et laisser à leur place leurs propres bébés, ou des objets enchantés censés ressembler à des enfants humains qui tomberaient malades et mourraient en quelques semaines.

Les fées pouvaient avoir toutes sortes de motivations d’agir ainsi, mais ce qui est intéressant est que l’enfant non-humain pouvait assez aisément être identifié : il présentait parfois une difformité physique[1], ou son comportement n’était pas celui d’un enfant normal. Un enfant changelin avait, comme beaucoup de créatures folkloriques d’Europe, une tendance aux comportements obsessifs, par exemple compter des éléments, aligner ou trier des objets, etc. Il pouvait être incapable de parler, se déplaçait avec une démarche étrange, ou était doté d’une intelligence anormalement élevée et capable d’inférer des informations bien au-delà des capacités normales pour un enfant de son âge. Des stimulus parfaitement normaux le mettaient hors de lui, et au contraire des situations qu’un autre enfant aurait trouvées pénibles lui étaient égales.

Bref, un enfant trop bizarre était un enfant qui pouvait avoir été mis là par des créatures non-humaines – ce qui, détail retenant notre attention, arrivait plus souvent aux garçons qu’aux filles.

 

L’impact sur les enfants

Le mythe du changelin n’avait pas pour seule vocation d’expliquer un phénomène observable. Car une fois la « vraie nature » de l’enfant identifiée, la situation changeait. La chose qui vivait sous le toit de la famille et mangeait sa nourriture n’était pas de leur sang. Elle n’était même pas de leur espèce. Et, avec un peu de chance, ses vrais parents pourraient venir la chercher et rendre l’enfant humain enlevé à ses parents. Comment ? Souvent, en maltraitant le changelin.

Le mythe avait une valeur d’excuse lorsque des gens agissaient d’une manière socialement critiquable dans un contexte médiéval. Abandonner un bébé dans les bois n’était bien vu par personne, mais s’il était admis que le bébé en question était une fée, ce n’était plus la même chose. Nul n’avait besoin de se sentir désolé pour un changelin, qui n’avait probablement même pas d’âme de toute façon. Personne ne devait se soucier qu’il soit nourri et soigné, traité avec compréhension, ou même maintenu en vie.

 

Quel rapport avec le présent ?

Bien sûr mon argument n’est pas que les changelins n’existent pas et que nous devrions tous traiter les enfants différents comme des humains parce que c’est ce qu’ils sont. Même si des fois la seconde partie de cette notion mériterait d’être rappelée, je pense que tout le monde est à peu près d’accord sur l’idée générale que les fées ne sont plus le problème majeur qu’elles représentaient à l’époque médiévale.

Là où je veux en venir, en revanche, c’est sur la dangerosité qu’il y a à accepter le récit de l’enfant remplacé, l’enfant « normal » qui attend, enfermé dans une version « malade » de lui-même, qu’on vienne le « libérer ».

C’est une histoire qui ne manque pas de charme, porteuse à la fois de sens et d’espoir. Si l’enfant a changé d’un coup, peut-être qu’il peut changer à nouveau. Si l’enfant est juste malade, il peut être guéri. Et si l’on est accroché à cette notion, non seulement on sera déçu, non seulement on risque de se tourner vers des pseudo-traitements qui n’aident personne, mais en plus on commet la même erreur que les parents médiévaux : on ignore les besoins immédiats de la personne autiste pour mieux se concentrer sur une version hypothétique d’elle qui pourrait se présenter dans le futur.

Si l’enfant finira par guérir, pas besoin de mettre en place d’accommodation, de lui apprendre à signer, de se renseigner sur la culture autistique. Si l’autisme n’est qu’une parenthèse et pas toute une vie, au pire une sorte de phase à traverser, il peut être traité comme tel. Or c’est précisément l’un des mythes qui sont les plus dommageables vis-à-vis des autistes : que nous sommes des neurotypiques qui ont besoin d’aide.

 

Il n’y a pas de changelin – pas que je sache en tout cas. Nous sommes différents. Parfois cela se voit dès la première seconde où nous ouvrons les yeux, parfois il faut plus de temps pour s’en rendre compte, mais nous sommes différents, fondamentalement, et il n’y a aucun mal à cela.

(Cet article ressemble à ce que dirait une fée qui voudrait que les humains arrêtent de se poser trop de questions. Je ne peux rien changer à cet état de faits.)

 

Sur une note plus légère, j’invite mon lecteur à partager avec nous ses éléments de folklore préférés !

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[1]Les « difformités » en question pouvant être absolument n’importe quoi sortant de l’ordinaire, et donc susceptibles d’être expliquées par tout un tas de pathologies ou de syndromes.


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