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Les limites de l’autisme

- Julie BOUCHONVILLE

Les limites de l’autisme

Les personnes autistes sont-elles en situation de handicap ? Sommes-nous limités ? Quelle que soit notre opinion sur ce point, il faut admettre qu’en tant qu’autiste, on doit parfois renoncer à faire certaines choses. Peut-être que ce n’est pas si grave.[1]

 

L’autisme est-il un handicap ?

La question divise plus qu’on pourrait le croire. J’aimerais pouvoir, de temps en temps, répondre sans détour à mon lecteur, mais toutes les questions intéressantes ont des réponses complexes.

Commençons par définir le handicap : la plupart des instances qui parlent de handicap le décrivent comme « l’incapacité d’une personne à interagir pleinement avec son environnement en raison d’une déficience ». Une personne malvoyante interagit mal, voire pas du tout, avec l’aspect visuel de son environnement. Une personne ayant besoin d’un fauteuil roulant rencontre des difficultés pour se déplacer et est limitée dans son autonomie à ce niveau.

Certains aspects de l’autisme peuvent, selon cette lecture, représenter des handicaps. Une personne qui ne supporterait pas le bruit au point que cela l’empêche de sortir de chez elle, par exemple, remplirait cette définition. Cela devient moins évident pour les autistes n’ayant besoin que de petites accommodations : quelqu’un qui ne supporte pas le bruit mais s’en sort bien avec un casque anti-bruit n’est pas très différent de quelqu’un qui a une vue abjecte mais s’en sort bien avec des lunettes[2].

Cette définition du handicap tombe un peu à plat lorsqu’on considère d’autres aspects de l’autisme : nombreux sont les autistes à avoir un sens du détail extrême qui leur permet d’apprécier comme personne les nuances architecturales d’un bâtiment, ou une sensibilité accrue aux motifs qui leur rend les environnements naturels d’autant plus plaisants. Leur acuité sensorielle élevée fait qu’ils savourent bien plus que les non-autistes les parfums d’une rue commerçante, la richesse d’une symphonie ou la complexité d’une peinture. Est-ce que cela ne veut pas dire que, par rapport à eux, les non-autistes sont handicapés ?

 

La société neurotypique est handicapante

Être autiste, souvent, n’est pas tant le problème que de vivre dans un monde construit pour un autre neurotype. Je suis convaincue que ledit monde ne convient pas pleinement aux neurotypiques non plus[3], ce qui est bizarre, mais c’est le monde dans lequel nous devons vivre en attendant de le changer. Cela a des conséquences pour les personnes autistes, qui souvent se manifestent sous la forme de limites, d’incapacités, de handicap. Par exemple, dans une réalité où les supermarchés n’auraient pas la tête qu’ils ont, je pourrais y aller sans risquer de shutdown – mais je ne peux pas. Loin de moi l’idée de ne me poser en victime. Je veux simplement amener ce fait : dans un monde parfait, les autistes seraient aussi capables que les non-autistes, si pas plus.

Ce n’est néanmoins qu’une expérience de pensées, ce qui nous amène au paragraphe suivant :

 

Renoncer

Beaucoup d’enfants, en particulier ceux qui étaient considérés en situation de douance (HPI, surdoués, etc, mais aussi simplement les enfants hyperverbaux par exemple), ont entendu ce discours : « Plus tard, tu pourras devenir ce que tu voudras ». Le classique « le monde est à toi », parce qu’à l’époque de nombreux parents ne savaient pas faire la différence entre l’anxiété et la maturité et pensaient que leur progéniture était très en avance.

Le fait est que, comme nous l’avons abordé, non, les autistes ne peuvent pas faire tout ce qu’ils veulent, devenir tout ce qu’ils veulent. Pas toujours, parce que les écoles sont rarement tout à fait adaptées aux personnes autistes, que les établissements d’enseignement supérieur sont difficiles d’accès (hyperstimulants, peu prêts à faire des concessions, chers, etc), et que les employeurs répugnent aussi bien à engager des personnes autistes qu’à leur faciliter la vie une fois cette embauche faite[4].

Nous sommes toujours discriminés, pas forcément parce que nous sommes autistes mais parce que nous sommes bizarres, et que de nombreuses personnes sont mal à l’aise face à cela. Souvent nous devons vivre non seulement avec notre neurotype mais aussi avec le stress post-traumatique lié à des tentatives de traitements qui ont fait plus de mal que de bien.

Tout cela signifie que pour beaucoup d’entre nous, des tas de choses, qu’il s’agisse de carrières, d’activités de loisir ou d’objectifs personnels, sont absolument inaccessibles.

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Ce n’est pas si grave

Je pense sincèrement que ce n’est pas la fin du monde. Que c’est normal et valide de ne pas faire « tout ce qu’on veut », de ne pas toucher les étoiles à chaque tentative, de renoncer de temps en temps à un projet.

D’une part parce que cela ne veut pas dire renoncer à tout : il y a un monde de différence entre ne jamais rien accomplir dont on puisse être fier et enchaîner les succès. Renoncer à certaines choses de temps en temps n’empêche pas d’être heureux, accompli et épanoui. Au contraire : c’est poursuivre chaque vague opportunité qui nous vient à l’esprit en les traitant toutes comme le Graal absolu qui mènera, à coup sûr, vers le malheur.

C’est mon second argument : le problème n’est pas de devoir renoncer parfois. Le problème est au contraire d’avoir été exposé à une sorte de positivité toxique qui martelait que non seulement nous, autistes, pourrions nous en sortir aussi bien que nos pairs neurotypiques, mais qu’en plus nous avions une sorte d’obligation morale envers nous-mêmes d’être spectaculaires et impressionnants à tous points de vue.

 

Il n’y a pas de mal à renoncer, à laisser tomber, à réaliser qu’on a eu les yeux plus gros que le ventre et à lâcher le morceau. Il n’y a pas de mal non plus à avoir conscience de ses limites et de ce fait à ne pas tenter quelque chose, ne pas essayer de voir comment on s’en sortira.

Savoir dire « non merci, ce n’est pas pour moi » est une force, et j’encourage mon lecteur à le voir comme tel.

 

Conclusion

L’autisme n’est pas toujours facile à vivre, je pense que personne ne remettra ce point en question. Il existe un vrai numéro d’équilibriste qui se joue quelque part entre nos difficultés personnelles, celles imposées par la société, nos propres attentes et celles des autres, et les choses que l’on aimerait accomplir. Il faut réussir à déterminer ce qui vaut la peine de souffrir un peu et ce qui n’est au final qu’un truc brillant qui attire l’attention mais doté de peu de valeur intrinsèque.

 

J’invite mon lecteur à partager avec nous ses victoires de lâcher-prise.

 

 

[1]J’ai déjà abordé ce sujet lors d’un article publié chez Neuroclastics, un site anglo-saxon parlant d’autisme. Les deux articles sont néanmoins assez différents pour qu’il me semble pertinent de poster ici.

[2]Peut-être qu’un jour, dans le futur, des gens porteront des casques anti-bruit qui ne bloquent aucun son, juste parce qu’ils aiment le look.

[3]Même s’ils sont capables de pénétrer dans un supermarché, par exemple, je doute qu’aucun d’eux s’y sente bien.

[4]Rappelons que selon Handicap.Fr, 95 % des autistes français sont au chômage, quand seulement 50 % sont considérés comme ayant besoin de beaucoup d’aide dans la majorité des aspects de leur vie.


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