Les personnes autistes et leurs cinq sens : le goût
- MARIADNE GUINARD
Comme pour les autres sens, le goût est vécu et appréhendé de façon particulière pour une personne autiste. Voici quelques explications pour comprendre en quoi les sensations gustatives prennent une dimension spécifique dans le vécu autistique.
Une perception particulière, l’hypersensibilité gustative
Le sens du goût semble avoir moins d'importance dans notre société que la vue et l'ouïe, il paraît moins développé, moins fin que ces deux sens auxquels on donne la priorité. Pourtant, il peut prendre une dimension très importante dans la vie d'une personne autiste, qui peut avoir une capacité à détecter des goûts que les autres ne sentent pas, ou développer un rapport sensoriel très particulier avec ce qui est mangé, sucé ou mâchouillé.
La personne autiste possède un rapport particulier aux aliments et à l'alimentation, cela peut prendre la dimension d'une addiction, d'une forte appétence ou alors d'un dégoût marqué pour un goût, ou un aliment. Le fait que quelque chose ait bon goût a alors une importance extrême, il peut relever d'un besoin pour appréhender son environnement et prendre contact avec son propre corps. La fonction du goût est donc primordiale, et si elle est déréglée, une rééducation du goût pourra alors s'avérer indispensable.
Le goût peut être comme pour les autres sens plus affûté ou moins selon la personne autiste et selon son état de fatigue. Certains aliments ont une texture qui va être absolument intolérable au contact de la langue de la personne autiste, elle ne peut pas se forcer sans avoir des hauts-le-cœur ou des difficultés à déglutir. C'est pourquoi certains ne mangent que des textures lisses, et n'aiment pas ce qui peut râper ou avoir un goût trop prononcé. Au contraire, certains vont nettement préférer les goûts très marqués, comme le roquefort, ou le piquant de certains piments, et vont le rechercher.
Les personnes autistes sont toutes différentes, certaines vont manger un nombre restreint d'aliments et avoir énormément de difficultés à en goûter de nouveaux, d'autres vont avoir une grande curiosité gustative et vouloir tout goûter, jusqu'à goûter des plantes ou les feuilles des arbres, voire même le goût de la peinture, ou de produits. Cela peut être bien évidemment dangereux, et il est important de ne pas négliger cette dimension, mais cela révèle également l'intention potentielle de l'exploitation de ce sens souvent oublié.
Dans l’ouvrage d’Olga Bogdaschina, Questions sensorielles et perspectives dans l’Autisme et le Syndrome d’Asperger, des expériences sensorielles différentes, des mondes perceptifs différents, nous apprenons que certaines personnes ne seront pas révulsées par la texture ou le goût d’un aliment mais par sa couleur, ou alors ne vont manger que des aliments d’une même couleur, cela explique l’apparente incohérence de préférence de goût. Dans ce cas-là ce sera une forme de goût liée à l’esthétique et non pas à la sensation ou aux différences gustatives.
Exemples de particularités gustatives liées à l’hypersensibilité
Cette hypersensibilité est perçue d'une façon peu commune et va permettre de décrire les goûts avec une grande finesse et des qualificatifs qui vont au-delà du sucré, de l'amer, de l'acide et du salé.
« Elle appelle cela le beau côté de l’autisme, le sanctuaire de sa prison. Les personnes autistes peuvent être fascinées par différents stimuli sensoriels, tels que l’odeur des bougies se consumant, du riz qui cuit, le toucher du velours ou du marbre, le goût du lisse et du doux, le satiné du bois, le bruit de pas pieds nus sur le carrelage, la vue des nuages filant haut dans le ciel, la sensation du mufle du cheval, le goût crayeux des coquillages (O’Neil, 1999). » [Olga Bogdaschina, Questions sensorielles et perspectives dans l’Autisme et le Syndrome d’Asperger, des expériences sensorielles différentes, des mondes perceptifs différents, p. 90.]
L'hyposensibilité au goût existe également, c'est-à-dire que la personne aura des difficultés à identifier et à reconnaître les goûts. Cela peut poser un problème car le goût est, dans certains cas, un indicateur qui permet de savoir si quelque chose peut être mangé ou non. L'hyposensibilité va également provoquer des potentiels problèmes de désintérêt pour la nourriture, car sans sensation gustative, le fait de manger peut être nettement moins agréable.
L'ennui avec l'hypersensibilité est qu'à certains moments, on a trop de perceptions et cela peut angoisser la personne autiste. La plupart du temps, elle vivra son intense perception du goût comme plaisante ou source de stimulation, mais en cas d'hyperstimulation ou de grande fatigue, elle peut se sentir submergée et ne plus supporter cette perception trop fine. C'est pour cette raison que certaines personnes autistes aiment manger des aliments plus fades ou assez neutres en termes de goût. La sensation sera alors plus maîtrisable et moins envahissante. Le fait d'avoir le goût prononcé qui reste longtemps dans la bouche peut en effet angoisser la personne autiste lorsqu'elle se trouve en situation nouvelle ou qu'elle est fatiguée. Tout comme à certains moments, elle peut ne plus supporter le contact des vêtements : le contact des aliments et la perception de leur goût deviendront alors juste intolérables.
Gérer et vivre la sensibilité gustative : le goût comme source de stims
Il est important de tenir compte des particularités gustatives d’une personne autiste, cela va au-delà d’une préférence culinaire et cela n’a rien à voir avec quelqu’un qui ferait « le difficile » pour manger. Les préférences gustatives sont souvent liées à la digestion spécifique de la personne autiste. Il faut savoir que le goût que nous percevons est lié à la présence de bactéries dans notre bouche et que selon les personnes, la teneur du goût peut varier en rapport « à la flore buccale » de la personne. Pour en savoir plus, il est fort utile de lire l’ouvrage, Le charme discret de l’intestin, qui peut apporter de nombreux éléments de compréhension par rapport à la subtilité de la digestion. Un chapitre est consacré à la bouche et est très instructif à cet égard.
Certaines personnes autistes vont manger des choses acides avec grand plaisir et cela peut être une source d’apaisement. D'autres vont adorer ce qui croque sous la dent et manger des dizaines d'amandes entières pour le plaisir de la sensation, puis du goût qui reste dans la bouche. Les sensations sont analysées et peuvent autant constituer un jeu qu'un calvaire extrêmement angoissant. C'est pourquoi certains autistes n'aiment pas manger et d'autres vont pouvoir rechercher certains goûts pour se sentir mieux dans certaines situations, de la même façon qu'ils pourraient « stimmer » avec un objet : leur façon de manger ou de ressentir un goût sera comme un jeu apaisant.
Quelques fiches outils pour mieux gérer l’hypersensibilité gustative
Afin de s'apaiser, les personnes autistes peuvent souvent porter des objets à leur bouche, or cela peut poser des problèmes d'hygiène ou risquer d'abîmer les dents. C'est pourquoi il existe des objets adaptés qui sont faits pour être mâchouillés.
Les objets à mâchouiller
Chewing-gum, bâton de réglisse, sucette
Certains autistes vont apaiser leur anxiété en fumant, mais il existe d'autres solutions pour limiter le stress, s'apaiser, arrêter de fumer, de se mordre ou de se ronger les ongles. Ainsi, il est possible de mâcher des Chewing-gums, leur ayant toutefois l'inconvénient de contenir des substances irritantes pour les estomacs sensibles. Le bâton de réglisse peut être une bonne alternative car il permet de sucer et de mâcher pour faire passer l'énervement et s'apaiser. Il est néanmoins recommandé de ne pas abuser de la réglisse, surtout pour les personnes ayant une fragilité cardiaque. La sucette est également un bon moyen de s'apaiser grâce au fait de sucer, mais la plupart des sucettes contiennent beaucoup de sucres et d'autres ingrédients qui, à la longue, ne sont pas bons pour la santé.
La personne autiste a besoin d’un objet qu’elle pourra avoir sur elle et qui lui permettra de l’utiliser à tout moment, tout au long de la journée, chaque jour et sans que cela nuise à sa santé. De même que les enfants doivent trouver un moyen d’arrêter de sucer leur pouce sans que cela se fasse de façon brutale, il est possible pour la personne autiste de trouver un objet à porter à sa bouche qui sera socialement accepté et lui plaira. Heureusement, il existe de jolis objets pour répondre à ce besoin, nous en avons sélectionné trois à vous présenter dans cet article, mais il en existe beaucoup d’autres avec des formes, des textures et des couleurs variées afin d'amuser et de satisfaire aux besoins de chaque personne autiste selon ses spécificités et ses besoins de stim gustative.
Collier à mâcher larme
https://bienetreautiste.com/products/collier-a-macher-larme
Ces colliers permettent d'éviter de se mordre les joues, de se ronger les dents ou de serrer la mâchoire. En mordant le collier, il est possible d'évacuer le stress et l'anxiété et de rester concentré sur une tâche sans pour autant abîmer ses stylos ou le col, le manche de ses t-shirts. Ce collier possède un système de clip qui permet d'éviter tout risque d'étranglement, il peut donc être porté en toute situation puisqu'avec un coup sec il s'ouvre. Pour l'entretien, il suffit de le laver avec de l'eau et du savon. En revanche, les morsures vont engendrer une usure et sa mollesse préserve les dents mais ne garantit pas une durée de vie illimitée du collier, il conviendra donc de le changer dès qu'il commencera à s'user. Pour les personnes qui mâchouillent intensément et fréquemment, il faudra essayer plusieurs modèles de colliers à mâcher pour voir celui qui est le plus adapté à son type de mâchouillage. Ces colliers sont à base de silicone alimentaire, ils ne contiennent ni BPA ni PVC, ils peuvent être utilisés dès l'âge de trois ans. Le collier fait 1 cm d'épaisseur et mesure 7 cm sur 5 cm, ce qui en fait un objet assez discret autour du cou, comme un pendentif.
Lot d'embout à mâchouiller sabre
https://bienetreautiste.com/products/embout-a-machouiller-sabre
Afin de ne plus abîmer ses affaires personnelles et cesser de s'arracher les peaux ou de se gratter frénétiquement, les embouts à mâcher permettent de réduire l'anxiété de la personne autiste qui pourra sucer et mâchouiller ces embouts tout en travaillant. Cela permet de rester patient et attentif et de ne pas trop s'agiter sur son siège. Ils sont vendus par cinq et peuvent être utilisés dès l'âge de trois ans. La taille est de 6,3 cm sur 1,3 cm. Tout comme les pendentifs, ils sont facilement lavables à l'eau et au savon et peuvent passer au lave-vaisselle. Ils ne contiennent ni latex, ni phtalates, ni PVC, ni BPA, ni nitrosamine. Le fait d'en avoir plusieurs permet de varier les couleurs et d'en mettre sur plusieurs stylos, ce qui augmente également la durée de vie de chacun.
Collier à mâcher plaque
https://bienetreautiste.com/products/collier-a-macher-plaque
Une autre forme de collier à mâcher est la plaque. Chacun devra essayer pour déterminer quelle forme et quelle dureté lui conviennent afin de choisir le modèle adéquat. Il est donc important d'avoir accès à de nombreuses formes de pendentifs à mâcher. Avoir un objet à sucer dans la bouche peut remplacer le stimuli gustatif et éviter les problèmes liés à un excès de poids ou au diabète des personnes qui ont besoin de manger des bonbons ou des sucreries tout au long de la journée pour s'apaiser. Tout comme le collier larme, le collier plaque possède un cordon anti étranglement qui permet de le porter en toute sécurité. On le nettoie à l'eau et au savon et il convient de le jeter dès les premiers signes d'usure pour éviter l'ingestion de petits morceaux de plastique. Ces colliers sont en silicone alimentaire, ce qui leur confère une grande souplesse et permet d'éviter l’abrasion des dents, à la différence des stylos et autres objets que les personnes autistes pourraient mâchouiller. Ils sont utilisables à partir de 3 ans et sont discrets avec leurs 6.2 cm sur 3.7 cm. Ils ne contiennent pas de BPA, de latex, de phtalates, de PVC ni de nitrosamines.