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Pensée innovante : où en est l’autisme ?

- Julie BOUCHONVILLE

Pensée innovante : où en est l’autisme ?

Il existe un paradoxe dans les stéréotypes liés aux autistes : d’une part nous serions insensibles aux normes culturelles et donc, en un sens, aux règles[1]. Cela nous permettrait entre autres de faire preuve d’une pensée innovante hors du commun. Mais d’autre part, nous pouvons rester coincés pendant des heures sur un système très simple qui ne fonctionne pas comme nous nous y attendons. Alors, sommes-nous des penseurs très créatifs ? Ou pas ?

 

Le muable et l’immuable

Dans son prototype, cet article parlait d’un trait de comportement hyper spécifique que j’ai remarqué chez plusieurs de mes collègues neurodivergents et autistes en particulier : souvent, dans une situation donnée, nous avons du mal à identifier ce qui peut être modifié et ce qui ne peut pas l’être. Par exemple, nous pouvons contourner dix fois une chaise qui a été laissée au milieu de la pièce sans jamais penser à la remettre à sa place où elle ne nous dérangera plus. Nous pouvons nous prendre la tête sur la planification d’un repas impliquant absolument l’ingrédient X, pourtant difficile à accorder, sans une seule fois nous dire que cet ingrédient pourrait être utilisé un autre jour. Beaucoup d’entre nous, ayant admis une fois pour toute que les « ouvertures faciles » sur les emballages ne fonctionnent pas toujours très bien[2], préfèrent détruire l’emballage sans plus se poser de question, et ce même face à un produit qu’ils n’ont jamais tenté d’ouvrir par le passé.

 

Je pourrais continuer d’aligner les exemples, je vais plutôt synthétiser : dans une situation donnée, tous les éléments ont tendance à être considérés par nous comme des éléments immuables, et ce même s’ils sont transitoires ou susceptibles de changer d’une manière ou d’une autre.

Mais alors, d’où nous vient cette réputation, pourtant issue de faits réels, de penseurs innovants ?

 

Avoir conscience de la limite

Quand on parle de pensée parallèle, de pensée innovante, créative, etc, on est toujours plus ou moins en train de décrire la même chose : une personne qui, plutôt que d’être limitée par les règles qu’elle perçoit comme s’appliquant, est limitée par les règles qui s’appliquent bel et bien. Souvent, on est bloqué dans un processus créatif ou de résolution de problème parce qu’on agit comme si plus de choses étaient impossibles qu’il n’y en a réellement. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, on ne s’est pas dit « je suis sûr qu’il est interdit d’utiliser ce système qui contourne le problème », notre esprit n’a simplement pas le recul, à cet instant précis, pour voir l’itinéraire de contournement.

 

Les autistes peuvent se montrer très bons à ce genre d’exercices pour une raison toute bête : il y a des tonnes de règles tacites dont nous ignorons l’existence. De ce fait, nous pouvons résoudre des problèmes avec un vrai souci d’efficacité, peu ou pas encombrés par les restrictions que des neurotypiques pourraient avoir en tête. Nos méthodes peuvent également être plus créatives de par notre unique capacité à associer des idées n’importe comment.

Cela fournit des résultats qui ne sont pas toujours très exploitables, mais qui ont le mérite d’être originaux. Par là, j’entends par exemple ceux d’entre nous qui parviennent à trouver toutes les excuses pour inclure leur intérêt spécifique du moment dans leur résolution de problème[3], ou ceux qui trouvent la solution parfaite mais totalement irréaliste au vu du temps et des moyens alloués.

 

Notre capacité d’innovation n’est donc pas à négliger, mais elle a une limite très nette : le moment où nous prenons conscience des règles tacites.

Je vais prendre un exemple pour illustrer cette idée :

Ananas est une personne autiste lambda qui a reçu en cadeau une boîte de bonbons[4]. Cette boîte est plus ou moins un cylindre en plastique transparent. Tant Ananas que mon lecteur à cette description sont tentés, pour ouvrir la boîte, de voir si une extrémité du cylindre s’ouvre et, si ce n’est pas le cas, de tester l’autre.

Si la boîte de bonbons en question avait la forme d’un cône, sans doute que le processus serait le même : on testerait le sommet ou la base, en commençant plutôt par l’un ou par l’autre selon ce qui nous semblerait le plus logique à l’instant T mais sans option plus évidente que l’autre.

Dans ces deux configurations, il n’existe pas de « règle tacite » de comment ouvrir la boîte de bonbons.

Mais imaginons maintenant la troisième configuration : la boîte de bonbons a la forme exacte d’une bouteille de champagne. Elle a une base plus large, elle est courbe, s’affine sur le haut et le bouchon est même recouvert d’un papier métallique doré. Maintenant une norme tacite existe, parce qu’il n’y a qu’une seule manière d’ouvrir une bouteille de champagne : il faut la déboucher. Dans ce contexte, si la boîte avait le malheur de ne pas s’ouvrir de la manière la plus évidente, Ananas risquerait de ne pas réussir à l’ouvrir, ou de finir par la détruire pour résoudre son problème façon Alexandre le Grand[5].

 

Conclusion

Les autistes ne sont pas connus pour leur souplesse mentale, nous aimons les rituels et nous savons qu’il existe une bonne façon de faire les choses[6], qu’il faut respecter.

Lorsqu’une situation nous amène à penser qu’il existe une méthode, il nous est donc difficile de nous extraire de cette dernière. Si en revanche nous nous retrouvons confrontés à un problème neuf, là nous pourrons laisser tout notre potentiel créatif s’exprimer.

Pour contrer notre tendance à considérer certaines choses amovibles comme immuables, j’encourage mon lecteur à essayer de faire la démarche consciente, aussi souvent que possible, de se demander quels éléments peuvent être rangés, omis, mis de côté ou permutés. C’est loin d’être aisé, mais en prenant l’habitude faire une petite vérification régulière, on peut s’épargner de la charge mentale inutile.

 

Avez-vous des anecdotes de créativité ou de rigidité intellectuelle ? N’hésitez pas à nous les raconter !

 

[1]Un article pour se rafraîchir la mémoire sur le sujet : https://bienetreautiste.com/blogs/infos/suivre-les-regles

[2]Est-ce qu’il existe un prix pour les litotes dans les articles de blog ?

[3]« Je ne sais pas si nos client aimeraient vraiment se voir attribuer un profil d’investisseur correspondant à un type de roche » ou « La rédaction portait sur l’époque médiévale, parler de Minecraft était… audacieux ».

[4]Je tiens à remercier la personne qui m’a raconté cette anecdote et qui se reconnaîtra. TMTC.

[5]Si mon lecteur n’a pas la référence, une légende veut qu’Alexandre le Grand ait résolu une sorte de casse-tête centenaire sous la forme d’un nœud impossible à dénouer. Il l’aurait tranché à l’épée, dénouant effectivement les liens qui le composaient.

[6]La nôtre.


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