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Glycémie et autisme - Partie 2

- Julie BOUCHONVILLE

Glycémie et autisme - Partie 2

La semaine dernière, nous nous sommes demandé si les autistes étaient plus susceptibles que les autres de se retrouver confrontés à des dysfonctionnements de leur glycémie, et la réponse qui semblait émerger était « on ne sait pas trop ». Entre les études réalisées sur de petits échantillons, ou obtenant des résultats intéressants mais ne creusant pas plus-avant, il est difficile d’établir un consensus. Ce n’est pas très grave : c’est après tout ainsi que progresse la science, par petites touches qui s’additionnent et qui finissent par faire émerger une image nette.

 

Néanmoins, plusieurs éléments restent interpellant. Examinons-les.

 

Les preuves circonstancielles...

On sait par exemple que l’autisme a pour comorbidité l’épilepsie. Si j’en crois cet article de la National Autism Society[1], une personne autiste sur douze risque de souffrir d’épilepsie, et ce chiffre monte jusqu’à une sur cinq si on ne s’intéresse qu’aux autistes qui ont aussi un handicap intellectuel.

Or, on sait qu’une manière efficace de réduire la fréquence des crises est de limiter les fluctuations de la glycémie via l’alimentation, par exemple en passant par un régime très pauvre en glucides[2]. Il peut être tentant de penser que si un régime pauvre en glucides aide pour un problème neurologique, il pourrait aider pour un second[3] – a fortiori si ces deux problèmes se retrouvent souvent ensemble.

 

On sait aussi que la connexion entre autisme et trouble de l’attention (TDAH) est établie et que la comorbidité entre les deux est élevée – environ 50 %, certaines études allant jusqu’à déterminer que 70 % des personnes autistes cochent toutes les cases pour un diagnostic de TDAH, qu’elles aient entrepris les démarches à cette fin ou non[4] [5]. On sait en outre que les deux troubles partagent des influences génétiques[6], et certains chercheurs vont jusqu’à suggérer, en accord avec le ressenti de nombreuses personnes, que faire la distinction entre autisme et trouble de l’attention n’est peut-être pas pertinent et qu’il faudrait juste considérer l’ensemble comme un seul neurotype qui peut se présenter de plusieurs manières.

Or, la sagesse populaire suggère que passer à un régime pauvre en glucides, ou en tout cas d’éviter les glucides simples comme les pâtisseries, bonbons et desserts sucrés, aiderait à minimiser les symptômes du trouble de l’attention. A partir de là, il n’est pas farfelu d’inférer qu’une modification de régime alimentaire puisse aider les personnes autistes, que ce soit parce qu’elles ont également un TDAH, diagnostiqué ou pas, ou simplement de par la grande similarité qu’autisme et TDAH partagent.

 

Enfin, je crois que nous avons tous dans l’oreille au moins un témoignage ou deux, vaguement lus ou entendus, de parents ayant modifié l’alimentation de leur enfant autiste et ayant vu ses symptômes décroître en intensité. Et lorsque nos symptômes sont très envahissants ou difficiles à vivre, ne sommes-nous pas, après tout, prêts à essayer n’importe quoi pour les réguler, a fortiori une solution qui ne serait pas médicamenteuse et semblerait relativement aisée à mettre en place ?

 

… sont souvent insuffisantes

Oui, dans le cas de l’épilepsie, un régime extrêmement pauvre en glucides aide à réduire les crises. Dans la mesure où tous les autistes ne sont pas épileptiques, faire une généralisation n’est pas ici pertinent, et même si une personne autiste était épileptique, ce qui est assez courant comme nous l’avons dit, si ses crises peuvent être gérées avec une aide médicamenteuse ou une intervention moins envahissante qu’un régime cétogène, cela est préférable. Ces régimes sont compliqués à mettre en place, a fortiori pour des enfants, a fortiori pour des enfants autistes, et amènent de nombreux effets secondaires. C’est pour cela que le corps médical ne se tourne vers cette option que lorsqu’il a épuisé les autres.

Faut-il recommander un régime cétogène aux autistes juste parce qu’il aide certains épileptiques ? Rien ne le suggère.

 

Dans le cas des troubles de l’attention, pour faire simple, la littérature suggère qu’à l’heure actuelle, on n’en sait simplement pas encore assez pour déterminer si une modification du régime alimentaire aurait un impact. Une méta-analyse de 2017[7] conclut qu’il nous faut attendre pour plus de recherches. Cela ne veut pas dire que rien n’aide ni ne fonctionne, et nous aborderons le sujet dans la section suivante, mais il est difficile d’affirmer quoi que ce soit avec certitude.

En outre, le mythe que de consommer du sucre empire les symptômes du trouble de l’attention, voire pousse les enfants neurotypiques à se comporter comme s’ils étaient hyperactifs, n’est que cela, un mythe : quand on rassemble huit gosses, par exemple pour un goûter d’anniversaire, et qu’on leur fournit des bonbons, du gâteau, des déguisements, des cadeaux, et ce qui équivaut plus ou moins à un passe gratuit pour faire autant de bazar que possible en hurlant, oui, ils ont l’air hyperactifs. Blâmer les bonbons est un peu simpliste.

 

Enfin, aucune étude à ce jour ne conclut que modifier le régime alimentaire des personnes autistes puisse mener à une réduction de symptômes à grande échelle[8]. Cela ne veut pas dire qu’à l’échelle individuelle certains changements ne puissent pas aider, et nous reviendrons sur cette question dans un instant, mais il est impossible d’affirmer que tous les autistes iraient mieux si seulement ils ne consommaient pas de gluten ou de produits laitiers (ou beaucoup plus de gluten et de produits laitiers).

Notons également que certaines personnes autistes peuvent bénéficier d’interventions alimentaires pour des symptômes qui n’ont rien à voir avec l’autisme. Si une personne autiste est en surpoids, par exemple, et que son quotidien serait plus aisé avec quelques kilos en moins, il peut être utile pour elle de modifier son comportement et entre autres son alimentation, histoire de perdre du poids.

 

Que faire alors ?

Si je récapitule :

- La glycémie des autistes n’est pas particulièrement plus bizarre que celle des autres, ou si oui, on ne sait pas vraiment ce que ça change

- Les autistes seraient plus susceptibles de souffrir d’insulinorésistance cérébrale

- Rien ne permet d’affirmer que les autistes devraient adapter leur comportement alimentaire dans le cadre du contrôle de la glycémie afin d’espérer une réduction de symptômes

 

Est-il possible de tester et/ou d’agir sur l’insulinorésistance cérébrale ?

Ce n’est pas un test de routine, il implique de chercher des marqueurs d’activité neuronale dans le sang, et de ce que j’ai pu voir, ce n’est fait que dans les recherches se penchant précisément sur ce type d’insulinorésistance. Dans tous les cas, on ne sait pas encore très bien comment la guérir, ni l’intérêt exact que cela aurait. Il semblerait que de prendre par voie nasale de l’insuline ou des substances améliorant la sensibilité à l’insuline fonctionne, mais dans la mesure où le bénéfice thérapeutique n’est pas encore clairement établi, personne ne s’amuse à prescrire quoi que ce soit de ce genre. La recherche continue, il semblerait que traiter cette insulinorésistance pourrait avoir des effets préventifs sur la démence et curatifs sur certaines formes de dépression, mais pour l’instant, ce n’est clairement pas quelque chose qu’on peut demander à son médecin.

 

Autiste, y a-t-il quoi que ce soit que je puisse tester au niveau de l’alimentation pour réduire mes symptômes ?

Oui. D’abord, la première chose à comprendre est que nous les autistes avons tendance à souffrir de troubles digestifs, et aussi que nos difficultés sensorielles peuvent nous pousser à manger de manière déséquilibrée.

Loin de moi l’idée de culpabiliser quiconque parce qu’il a du mal à se gaver de smoothies verts, surtout quand une solution simple existe : les suppléments en vitamines. La plupart des gens, tous neurotypes confondus, sont carencés en vitamine D et en iode et ne consomment pas assez d’oméga-3 de type DHA et EPA. Et pour quelqu’un ayant une alimentation très limitée, les autres vitamines, les fibres et les minéraux sont susceptibles de faire défaut. Bien sûr, dans un monde parfait, il faudrait avoir une alimentation variée et cela se suffirait à soi-même, mais si ce n’est pas une option, il est parfaitement acceptable d’avaler quelques pilules tous les jours et de s’assurer ainsi qu’on est au top niveau nutriments. Non, cela ne guérira pas nos symptômes, mais il est difficile d’affirmer qu’on se sentira encore pire une fois nos besoins en magnésium et en vitamine A comblés.

Attention, les vitamines et compléments alimentaires peuvent s’acheter sans ordonnance, mais il reste important de respecter les doses recommandées.

 

Ensuite, comme je le disais, les autistes ont souvent des problèmes digestifs de type intestins irritables[9]. Cela signifie que tout un tas d’aliments sont susceptibles de nous amener de l’inconfort si pas de la douleur. Est-ce que limiter ces aliments nous aiderait ? Oui !

Et non, nous ne serons pas moins autistes si nous n’avons pas mal, mais en éliminant les sensations de ballonnement, les crampes, les éventuelles diarrhées, etc., nous nous sentirons mieux et serons donc plus tolérants face à notre environnement parce que moins chargés au niveau sensoriel.

 

Troisièmement, il y a la question des produits très transformés. Bien qu’il soit difficile de faire émerger une règle absolue, il semblerait que certaines personnes voient leur état mental se modifier après avoir consommé certains conservateurs et/ou colorants, et que l’arrêt de la consommation de ces substances améliore au moins leurs symptômes de type brouillard mental et hyperactivité[10]. Je pense que c’est typiquement le genre de modification qui peut être testée chez soi, parce qu’elle n’est pas très difficile à mettre en place : on peut simplement éviter de manger des aliments contenant du colorant pendant deux semaines, et voir comment on se sent.[11] Il n’y a pas d’effet secondaire à ne pas manger de colorant.

Il est également à noter que les produits très transformés, en particulier tout ce qui est du domaine de la friandise[12], induit des variations très marquées de la glycémie, ce qui n’est pas le cas des produits plus bruts. Les grosses variations de la glycémie impactent le comportement de tout le monde, pas juste les autistes. Les limiter au maximum permet de limiter les sautes d’humeur, l’irritabilité due à la faim, le brouillard mental, et tout un tas de joyeusetés du même acabit.

J’ai néanmoins conscience de l’attrait massif des produits transformés sur les produits bruts : ils sont prévisibles, ils sont identiques d’une fois à l’autre, et pour peu qu’une personne ait trouvé ceux qu’elle aime, l’en faire changer sera extrêmement difficile et déplaisant. Il y a en outre le fait que beaucoup d’autistes ont du mal à s’alimenter et à maintenir un poids sain, et que la dernière chose dont ils ont besoin est qu’on leur pique les quelques aliments qu’ils tolèrent sous prétexte qu’ils devraient manger des produits moins transformés. Je dirais donc à mon lecteur que si cela est possible, au plus il pourra inclure de produits bruts dans son alimentation, au mieux il se portera.

 

Conclusion

Être autiste n’est pas toujours facile. Notre glycémie ne semble cependant pas être l’un des facteurs qui joue contre nous – il en faut bien quelques-uns, après tout. Des modifications alimentaires peuvent néanmoins améliorer le quotidien des autistes, qu’ils souffrent de troubles digestifs ou non. Cela n’amènera pas de modification drastique du comportement, parce que nous ne sommes pas autistes à cause d’un excès de lait au chocolat ou d’une carence en graines de chia, mais cela peut nous aider à nous sentir mieux.

 

Si mon lecteur a des astuces alimentaires qui lui ont facilité la vie, je l’encourage à les partager ici.

 

[1]https://www.autism.org.uk/advice-and-guidance/professional-practice/epilepsy-autism

[2]Le régime cétogène est utilisé dans le cadre de crises d’épilepsie résistantes aux médicaments. C’est une modification d’alimentation très contraignante et aux nombreux effets secondaires, et elle ne devrait jamais être entreprise sans l’aide d’une équipe médicale.

[3]Non pas que l’autisme soit un problème en soi.

[4]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4010758/

[5]https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyt.2018.00717/full

[6]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18221348/

[7]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5266211/

[8]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7815266/

[9]Cet article incroyablement bien écrit aborde la question : https://bienetreautiste.com/blogs/infos/les-troubles-digestifs-chez-l-autiste

[10]https://bnrc.springeropen.com/articles/10.1186/s42269-020-00466-x

[11]Je suggère de commencer comme cela, puis seulement d’essayer de manger sans conservateur de synthèse, ce qui est déjà un peu plus compliqué à mettre en œuvre.

[12]Tous les produits très sucrés et dénués de fibres comme les bonbons, les viennoiseries, les petits gâteaux, etc.


2 commentaires
  • Bonjour,
    Ce que vous appelez ‘es troubles digestifs et autres joyeusetés réactionnelles aux aliments ultra transformés, n’est autre qu’un syndrome d’activation mastocytaire, comorbidité connue et reconnue de l’autisme qui est suivi et traité par des hématologues spécialisés recevant bcp de personnes autistes parmi leurs patients.

    Ll le
  • Pour ma part j’avais complètement arrêté de manger du sucre et des produits transformés, et j’ai recommencé à manger beaucoup de sucre et de gâteaux. Je n’ai pas noté de changements dans mes symptomes de TSA ou de TDAH, c’était tout aussi difficile sans sucre (mais j’étais peut-être en sous nutrition et ça n’aidait pas), avec plein de sucres ce n’est pas pire (à part pour les ballonnements, et encore). Il y a aussi la quantité de sport, si on en fait beaucoup (c’est parfois le seul moyen de se vider la tête, sans médication) le sucre peut être utile voire indispensable. Bref c’est compliqué, tout ça.

    Yohan le

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