La séduction et l’autisme - Partie 2
- Julie BOUCHONVILLE
Nous avons, la semaine dernière, déterminé que les autistes faisaient les meilleurs partenaires romantiques, et avons réfléchi à comment les aborder dans une optique de séduction. Continuons sur notre lancée.
Poser des questions
Beaucoup d’éléments d’une relation romantique ou sexuelle tournent autour de règles tacites. À quel rythme envoyer des messages, qui paye quoi, dans quel contexte on peut toucher le corps de l’autre, sur quelles parties, comment on gère la monogamie/le polyamour, comment on définit l’intimité émotionnelle avec des tiers, quelles tâches incombent à qui, etc.
Certaines personnes neurotypiques considèrent que ces choses coulent de source, ce qui en soi n’est pas terrible puisque chacun est unique, mais il est possible qu’une personne autiste n’ait même pas entendu parler de ces règles tacites. Il est donc pertinent de poser régulièrement des questions, pour s’assurer de l’approbation de tous les partis.
Il est probable que la personne autiste le fera d’elle-même, mais si elle s’est auto-éduquée en consommant toute la fiction à sa portée, il est possible qu’elle ait besoin qu’on lui rappelle que ce sont ses envies qui priment, et que c’est OK que ces dernières soient parfois incohérentes[1].
Contacts physiques : est-il bizarre de demander le consentement pour tout ?
Si mon lecteur n’en a pas l’habitude, il peut lui sembler étrange dans les premiers temps de verbaliser des choses comme « J’ai envie de t’embrasser » ou « Je peux te serrer contre moi ? », voire « C’est OK si je t’enlève tel vêtement, maintenant ? », mais ce n’est bizarre que si l’on part du principe que la personne en face de nous a envie des mêmes choses que nous, rigoureusement au même rythme. Cette supposition, à mon sens, est nettement plus surprenante que la vérification régulière du consentement.
Bien sûr, je ne parle pas de poser une question toutes les trente secondes, ni de ne jamais faire de supposition : si l’on réalise qu’un partenaire est toujours partant pour échanger un baiser, par exemple, il peut être pertinent d’arrêter de lui demander à chaque fois, quitte à le prévenir[2], ou à garder les demandes pour les cas particuliers (« mes lèvres sont super rêches, je peux quand même t’embrasser ? »).
Il y a un équilibre à trouver, mais dans l’absolu, on gérera plutôt mieux sa relation avec une personne autiste en l’informant bien.
Comment savoir si on plaît à une personne autiste ?
L’invitation a été faite et acceptée, le rendez-vous a eu lieu, et tout s’est… bien passé ? Comment être sûr ? Il est possible que mon lecteur constate qu’il ne sait pas vraiment s’il a marqué des points ou non, et si la personne autiste qu’il tente de séduire est réceptive à ses charmes. Les autistes ont parfois un visage peu expressif, un langage corporel atypique, et/ou une voix peu modulée par les émotions. Rien de tout cela n’est problématique en lui-même, mais quand on aimerait détecter de l’attirance, c’est plus compliqué.
Les personnes autistes ne sont pour autant pas des aliens, et nous manifestons notre affection comme tout le monde : par nos actions. Si une personne autiste propose un second rendez-vous, envoie des textos, évite de s’enfuir en cas de conversation, offre un petit cadeau, etc., on peut supposer qu’elle ne le fait pas par politesse, mais par réel désir de continuer la relation.
Et comme je l’ai déjà suggéré plusieurs fois ici, le mieux à faire en cas de doute reste de lui poser la question. Il peut, là encore, sembler très étrange pour une personne neurotypique de demander ouvertement « et sinon, est-ce que tu dirais que je te plais et que tu aimerais qu’on continue dans la même direction ? », mais il est probable que son partenaire autiste sera soulagé face à tant de clarté.[3]
Conclusion
Comme toute bonne relation, celle qui inclut une (ou plusieurs) personne autiste se base sur une communication claire, régulière et bienveillante. Il peut paraître étrange, dans notre culture bercée de tabous liés à la communication romantique, de poser ouvertement toutes les questions et de toujours mettre les pieds dans le plat, mais mon lecteur découvrira avec plaisir que non seulement la personne autiste dans sa vie ne ressent aucun malaise, étant peu sensible aux normes sociales, mais en plus lui-même en viendra à apprécier la simplicité de cette sincérité intense.
Quant à tous mes lecteurs aromantiques ou peu intéressés par les relations de couples, je prends ici l’opportunité de leur rappeler qu’ils sont parfaitement valides, et parfaits tels qu’ils sont.
[1]On peut, par exemple, aimer se tenir la main dans telle circonstance et pas dans telle autre sans qu’il y ait beaucoup de logique derrière cette préférence.
[2]Une conversation qui peut déboucher sur le partenaire expliquant qu’il apprécie qu’on lui demande à chaque fois, par exemple, ou qu’il aimerait être prévenu avant les baisers même si on ne lui demande plus sa permission.
[3]Ceci dit, il faut être prêt à entendre une réponse de type « je ne sais pas encore » ou « tout allait plutôt bien, puis tu t’es mis à éplucher une orange de la mauvaise façon et maintenant j’ai un doute ».
« et sinon, est-ce que tu dirais que je te plais et que tu aimerais qu’on continue dans la même direction ? »
J’aime bien que la communication soit très claire, mais une question comme ça, il me semble qu’il y a une demande implicite et qui peut déclencher un PDA… :-) Surtout si la personne qui entend la question n’a pas encore clair pour elle si elle a envie de s’engager sur quelque chose. Je dirais qu’un pas à la fois serait plus sûr comme chemin. L’intéressant du jeu de séduction c’est justement que ce n’est pas juste un protocole à suivre.