Quelle crème solaire utiliser quand on est autiste ?

Je ne connais personne qui ait une passion pour la crème solaire, mais tous les autistes avec qui j’ai abordé le sujet la haïssent avec une détestation brûlante. La cause ? Ces produits, utilisés correctement, ont souvent une texture collante ou grasse, forment une couche épaisse, doivent être réappliqués régulièrement, souvent dans un contexte où il fait chaud et où la peau est couverte de sueur, et au moindre souffle de vent, des éléments irritants comme des poussières ou du sable sont susceptibles de venir se coller sur le tout. Et je ne parle même pas des parfums parfois écœurants, du prix, et des gens qui veulent qu’on leur en mette dans le dos sans qu’on puisse se laver les mains après.

N’écoutant que mon courage, croyant qu’un monde meilleur est possible, j’ai décidé de prendre sur moi et de tester une série de produits solaires à l’attention des lecteurs de Bien Être Autiste. Je précise que, sauf mention contraire, ces produits ont été achetés par Bien Être Autiste pour les besoins de ce test.

 

Les alternatives à la crème solaire

Avant d’aller plus loin, je rappelle à mon lecteur que la meilleure protection solaire reste la non-exposition. S’il peut être agréable ou inévitable d’exposer sa peau au soleil, la protéger « mécaniquement » avec du tissu tissé serré, porter un large chapeau et rester à l’intérieur durant les heures les plus chaudes sont les meilleures protections qui soient. Cela permet en outre de ne pas s’exposer au tas de substances parfois contestables qui se trouvent dans les crèmes solaires.

 

Les paramètres du test

Chaque crème a été testée par moi-même, une personne aux yeux clairs et au teint doré, à la peau sensible. Chaque test consistait en une application de la quantité recommandée[1] sur peau sèche, une séance de sport destinée à amener une situation de transpiration, et une observation du produit et de son ressenti dans les heures suivantes.

 

Les critères testés

J’ai tâché de choisir des critères pratiques, liés à l’usage du produit et à son impact écologique présumé. J’ai distingué la texture d’un produit sur la peau, c’est-à-dire, quelle sensation me renvoie la zone traitée, de sa texture « sous les doigts », qui correspond à la sensation lors du contact avec la zone traitée.

Je n’ai pas testé la qualité de la protection solaire parce que, d’abord, en l’absence d’un labo de chimie, la seule manière de réellement tester l’indice aurait été d’attendre le coup de soleil et de mesurer quand il survenait[2], et ensuite, parce que dans la région où j’habite et à l’heure où j’écris ces lignes, nous n’avons toujours pas eu trois jours de soleil consécutifs depuis le début de l’année[3].

 

Une remarque sur les notes Yuka

Il est courant pour un produit cosmétique d’avoir une mauvaise note, aussi les produits ci-dessous aux notes décevantes ne sont pas pires que la grande majorité de leurs pairs. Si mon lecteur n’a pas l’habitude de consulter Yuka, il est normal qu’il soit alarmé, et dans l’absolu je trouve bien que l’on s’inquiète à l’idée de se tartiner le visage de perturbateurs endocriniens, mais j’insiste : les produits cités ici semblent problématiques parce que l’industrie cosmétique au sens large l’est. Ce sont les produits qui ont de bonnes notes qui sont rares.

 

Stick invisible SPF50 Vinosun Protect de Caudalie

Ce stick, destiné aux zones sensibles mais utilisable sur tout le corps, se présente dans un petit format aisé à emmener avec soi. Qu’il soit solide est agréable, car cela permet de ne pas se salir les mains. Il est utilisable dès 3 ans, adapté aux peaux sensibles, et résistant à l’eau.

Application

Aisée, la chaleur de la peau permet de rendre la matière plus fluide, ceci dit sur la peau fine du visage, cela peut tirer un peu. Le stick est en outre légèrement jaune orangé, et si cela se voit peu sur moi car c’est proche de ma carnation naturelle, je soupçonne que ce serait plus notable sur une peau très pâle ou avec des nuances plus rosées.

 

Odeur

Non parfumé, il a une très légère odeur de cire ou d’huile végétale, quelque chose d’un peu cosmétique et très neutre. Même appliqué sur le visage, ce n’est pas envahissant, mais ce n’est pas non plus une absence totale d’odeur.

 

Texture sur la peau

Grasse et plutôt épaisse, surtout si on y va en couche généreuse comme c’est recommandé, elle m’évoque celle du beurre de cacao. Le produit est vendu comme « nourrissant mais non gras », et peut-être est-ce possible si l’on effleure très légèrement la zone à couvrir avec le stick, mais même là j’en doute.

 

Texture sous les doigts

Pour étaler ou si l’on touche la zone couverte, on a une sensation de gras. Se laver les mains est indispensable.

 

Note Yuka

Excellente : 100/100

Le produit est sûr pour la peau et ses composants, aussi peu polluants que possible. Il pèche, selon moi, par son petit format et l’aspect jetable de son tube : l’on est condamné à en racheter souvent, générant ainsi pas mal de plastique.

 

Application	Tiraille sur la peau fine, sinon OK — 5/10
Odeur	Très neutre, sans parfum — 9/10
Texture sur la peau	Grasse — 3/10
Texture sous les doigts	Grasse — 3/10
Note Yuka	100/100

 

 

Brume hydratante invisible IP50 pour peau sensible de Vichy

Un spray pour le visage et le corps, adapté aux peaux sensibles, sans précision d’âge minimum. Elle résiste à l’eau et se veut hydratante en plus d’offrir une protection solaire.

 

Application

Comme tout aérosol, le produit semble froid à l’application. La crème est très blanche et a un toucher huileux/doux qui suggère la présence de silicone dans la composition[4]. Elle s’étale correctement et perd sa blancheur. Une fois en place, elle laisse un discret film brillant sur la peau, mais n’est pas plus visible que cela.

 

Odeur

Assez présente, elle a un parfum un peu floral très générique de crème solaire. Le format en aérosol la rend plutôt envahissante et elle reste sur la peau et les vêtements. 

 

Texture sur la peau

Une sensation qui n’est pas exactement celle de la peau nue, surtout sur le visage, mais qui en est proche.

 

Texture sous les doigts

Une fois en place et ayant eu quelques minutes pour sécher, elle donne l’impression d’un film à mi-chemin entre le très léger gras d’une crème hydratante et la douceur lisse d’un silicone. Elle est clairement perceptible. Mouillée, par la sueur ou l’eau, elle semble un peu plus grasse.

 

Note Yuka

Médiocre : 0/100

Quatre perturbateurs endocriniens potentiels, dont un qui est en outre toxique pour les espèces marines, et plusieurs irritants potentiels.

 

Application	Aisée, texture fraîche et huileuse — 6/10
Odeur	Forte — 2/10
Texture sur la peau	Très discrète — 8/10
Texture sous les doigts	Huileux/doux — 5/10
Note Yuka	0/100

 

 

Fluide anti-photovieillissement capital soleil UV age daily SPF50 en flacon-pompe de Vichy

Reçu en échantillon, ce fluide non-teinté[5] destiné à un usage sur le visage se veut aussi bien une protection solaire qu’un produit qui lutte contre des signes de vieillissement de la peau (taches de pigmentation et rides). Il est présenté comme approprié pour les peaux sensibles, bien qu’il contienne de l’alcool. Il cible un public ayant déjà ses premières rides, mais des personnes plus jeunes peuvent bien sûr l’utiliser — pas d’indication pour les enfants en revanche.

 

Application

Aisée, le produit est très fluide et s’étale confortablement. Il est blanc à la sortie du tube, mais devient invisible une fois étalé. Les mains sont grasses juste après l’application, mais si on ne les lave pas immédiatement, le film sèche et devient beaucoup moins perceptible.

 

Odeur

Très présente, florale et fraîche, assez tenace.

 

Texture sur la peau

Très proche d’une sensation de peau nue, à peine perceptible.

 

Texture sous les doigts

Un peu grasse au début, j’ai failli rejeter le produit de ce fait, mais après environ deux minutes il sèche totalement et la texture se fait beaucoup plus discrète, proche d’un sérum hydratant très fluide. Elle est à peine notable.

 

Note Yuka

Médiocre : 40/100

Un perturbateur endocrinien potentiel, toxique pour les organismes marins, et plusieurs irritants ou allergènes potentiels.

 

 

Application	Aisée, texture légère — 7/10
Odeur	Forte — 2/10
Texture sur la peau	Très discrète — 10/10
Texture sous les doigts	Très discrète — 8/10
Note Yuka	40/100

 

 

Sunsistick KA SPF50 de Avène

Ce produit n’a pas été acheté par Bien-Être Autiste car je le possédais déjà, ce stick étant celui que j’utilise en appoint pour protéger mes tatouages au moindre rayon de soleil. C’est un petit stick de crème solide, au format pratique, adapté aux peaux sensibles des adultes et voué à une protection très intense puisque ciblant les personnes qui présentent un risque, ou un diagnostic établi, de kératoses actiniques[6].

C’est la seule crème sur laquelle j’ai un retour à long terme, et je peux, pour le coup, confirmer l’efficacité de son filtre solaire.

 

Application

Le stick solide est très gras et s’applique donc bien, mais peut néanmoins tirailler sur les zones de peau fine. La crème est transparente, mais brillante, permettant de voir à peu près où on l’a appliquée.

 

Odeur

Très neutre, à peine notable, une légère odeur cosmétique qui se dissipe assez vite. La crème n’est pas parfumée et ses ingrédients ont très peu de personnalité.

 

Texture sur la peau

Grasse, un peu crémeuse, très présente. C’est un produit qu’on n’oublie pas qu’on le porte. Il arrive que de petits insectes y restent collés lors de promenades à vélo. La nettoyer sous la douche implique parfois deux lavages.

 

Texture sous les doigts

Grasse, elle nécessite que l’on se lave les mains après contact.

 

Note Yuka

Médiocre : 31/100

Un perturbateur endocrinien potentiel, des irritants potentiels, et beaucoup de plastique dans l’emballage et de substances issues de la pétrochimie.

 

 

Application	Tiraille sur la peau fine, sinon OK — 5/10
Odeur	Très discrète — 10/10
Texture sur la peau	Grasse — 3/10
Texture sous les doigts	Grasse — 3/10
Note Yuka	31/100

 

 

 

Anthelios brume invisible extra-légère SPF50 de La Roche-Posay

C’est un produit en brume, adapté aux peaux sensibles et aux personnes sujettes aux allergies solaires, sans indication d’âge.

 

Application

Le produit est frais à cause du gaz propulseur, un peu épais au premier abord ; il s’étale moins bien que ce à quoi on pourrait s’attendre pour une substance liquide. Il est effectivement à peu près invisible dès qu’on l’étale. Il faut se laver les mains après application pour éviter que le film d’une douceur étrange décrit plus bas ne se forme sur les doigts.

 

Odeur

Parfum plutôt agréable, mais très présent, le plus gros de l’odeur s’estompe vite, mais les notes les plus tenaces tiennent longtemps, en particulier sur les vêtements.

 

Texture sur la peau

Très discrète, proche d’une sensation peau nue.

 

Texture sous les doigts

Le toucher un peu gras de l’application laisse place à beaucoup de douceur sèche typique du silicone. Ce n’est vraiment ni gras ni collant, mais il est évident que quelque chose fait un film sur la peau.

 

Note Yuka

Mauvaise : 0/100

Quatre perturbateurs endocriniens potentiels, dont un qui est toxique pour les organismes marins, des allergènes et irritants potentiels, et beaucoup de déchets.

 

 

Application	Texture peu agréable à appliquer — 5/10
Odeur	Plutôt forte — 3/10
Texture sur la peau	Très discrète — 9/10
Texture sous les doigts	Sensation de film doux — 6/10
Note Yuka	0/100

 

 

Brume sèche Bariésun SPF50 d’Uriage

Une dernière brume, résistante à l’eau, applicable même sur peau mouillée, sans précision d’âge. Elle se veut adaptée à « tous les types de peaux », ce qui me semble différent de dire qu’elle convient en particulier aux peaux sensibles.

 

Application

Produit très fluide, frais à cause du gaz propulseur, qui s’étale bien. Il est à peine visible avant qu’on l’étale et totalement invisible après, avec un effet mat assez remarquable.

 

Odeur

Présente, un peu ambrée, elle a une durée de vie assez courte même si l’aérosol la rend envahissante dans un premier temps.

 

Texture sur la peau

Très discrète, sensation de peau nue.

 

Texture sous les doigts

Le produit est aussi proche de l’indétectable que possible. L’humidité le rend un peu gras, mais dès que la peau sèche il reprend sa texture quasi impossible à toucher. J’ai été bluffée par cette texture ni grasse ni douce, à peine repérable.

 

Note Yuka

Mauvaise : 0/100

Cinq perturbateurs endocriniens potentiels, des silicones considérés comme très polluants, des allergènes et irritants potentiels. Même pour une crème solaire, ce n’est vraiment pas terrible.

 

 

Application	Texture fluide et fraîche — 7/10
Odeur	Plutôt forte, mais passe vite — 6/10
Texture sur la peau	Très discrète — 10/10
Texture sous les doigts	Très discrète — 9/10
Note Yuka	0/100

 

 

Gel-crème toucher sec sun sensitive oil control SPF50 d’Eucerin

Un gel à la texture très fluide pour le corps et le visage, pour tous les types de peaux. Pas de précision sur l’âge recommandé.

 

Application

La texture est très légère et fluide, elle s’étale bien, le format tube n’est pas le plus pratique, mais ce n’est pas gênant pour autant. Le toucher est un peu collant avant que la crème ne sèche.

 

Odeur

Présente, plutôt douce, un peu florale. Elle devient rapidement plus discrète, mais ses notes les plus tenaces tiennent longtemps.

 

Texture sur la peau

Sensation proche de la peau nue.

 

Texture sous les doigts

Très discrète, ce n’est pas une sensation de peau nue parfaite, on sent quelque chose de légèrement trop doux, mais cela reste néanmoins léger et plutôt tolérable.

 

Note Yuka

Médiocre : 42/100

Deux perturbateurs endocriniens potentiels et deux allergisants potentiels.

 

Application	Texture fluide — 7/10
Odeur	Présente, mais s’estompe vite — 5/10
Texture sur la peau	Très discrète — 10/10
Texture sous les doigts	Très discrète — 8/10
Note Yuka	42/100

 

 

Conclusion

J’espère avoir pu éclaircir un peu le chemin de mon lecteur par mes recherches. À titre personnel, cette enquête m’a permis d’identifier quelle crème j’utiliserai régulièrement à l’avenir, tout en me rappelant que la meilleure protection reste physique.

Je nous souhaite un été particulièrement ensoleillé.

 

 

[1]Les indices de protection (SPF) sont calculés pour une application d’environ 2 mg de produit liquide par cm² de peau, soit beaucoup plus que ce que l’on appliquerait d’instinct. Cela correspond à environ 35 g de crème solaire liquide pour tout le corps pour une application. Si mon lecteur n’a pas envie de s’amuser à mesurer sa surface et à peser sa crème solaire, la seule directive que je puisse lui donner est de toujours appliquer très généreusement ses produits solaires, et ré-appliquer après s’être baigné, essuyé ou avoir transpiré.

[2]L’indice de protection étant censé mesurer comment le produit ralentit la venue du coup de soleil. Un produit ayant un indice de protection 20, par exemple, est censé permettre à la peau de brûler vingt fois moins vite. Si l’on sait que l’on souffre d’un coup de soleil après dix minutes d’exposition, donc, la protection 20 permet théoriquement d’être en sécurité deux cents minutes dans les mêmes conditions.

[3]Non vraiment, j’écris ceci au 170ème jour de l’année, et nous avons à ce stade eu 125 jours avec au moins 1 mm de pluie.

[4]Un examen de la composition valide cette supposition.

[5]Il existe aussi en version teintée.

[6]Une lésion précancéreuse de la peau liée à l’exposition au soleil.