Ça non plus, ça ne cause pas l’autisme Partie 3
- Julie BOUCHONVILLE
Il y a deux semaines, nous avons démarré une série listant toutes ces choses qui ne causent pas l’autisme, mais qui, pourtant, sont parfois listées comme des facteurs de risque. Aujourd’hui, nous abordons toutes ces substances qui sont suspectées à tort.
Les substances alimentaires
Il s’agit ici de substances consommées directement par la personne autiste, et non pas prises par la mère durant la grossesse. Bien sûr, ces théories restent culpabilisantes pour les parents, ces derniers étant ceux qui fournissent les aliments à leurs enfants.
La chasse aux substances alimentaires « nocives » s’inscrit dans plusieurs idéologies plus ou moins bien définies, beaucoup ayant en commun l’idée que le style de vie contemporain serait problématique et qu’un retour à une époque ancienne et quasi mythique — presque jamais datée exactement, et toujours très fantasmée — ainsi qu’aux comportements alimentaires[1] qui y avaient cours permettrait de faire disparaître tout un tas de « problèmes », de la dépression à l’autisme en passant par l’obésité, le cancer, etc.
Vouloir manger sainement, et s’assurer que ses enfants mangent sainement est bien sûr en soi un objectif très positif, mais souvent ces idéologies vont au-delà du simple équilibre alimentaire et peuvent verser dans des dérives complotistes (« les soi-disant experts ne veulent pas qu’on mange bien, histoire qu’on soit malades et qu’on donne notre argent à Big Pharma »), une hyperrigidité (« les bonbons c’est du poison ! ») et/ou une attitude flirtant avec le trouble du comportement alimentaire.
Le gluten
Parfois mentionné comme une cause, parfois comme une substance aggravant les symptômes, le gluten n’est pas responsable de l’autisme, et il n’est donc pas nécessaire de maintenir ses proches autistes dans un monde tragique sans pain frais.
Le gluten fait partie de ces substances qui seraient impliquées dans des mécanismes d’hyperperméabilité intestinale tels qu’évoqués la semaine dernière, mais une fois de plus, tout ceci est très hypothétique et à prendre avec de grosses pincettes.
Ceci étant dit, de nombreuses personnes peuvent avoir une intolérance plus ou moins prononcée au gluten, et les autistes ont en général un système digestif délicat. Les maux de ventre pouvant être très pénibles, la personne autiste se verra en général aller mieux si elle retire de son alimentation une substance qu’elle digère mal, et parfois, c’est le gluten.
Les produits laitiers
Logés à la même enseigne que le gluten, les produits laitiers pourraient aggraver et/ou causer l’autisme, et cette idée a peut-être les mêmes causes, les produits laitiers pouvant générer de l’inconfort intestinal chez de nombreuses personnes. Eux aussi sont suspectés de participer à l’hyperperméabilité intestinale, avec les mêmes remarques et mises en garde.
Les colorants alimentaires
Souvent blâmés dans le cadre du trouble de l’attention, dont certains aggraveraient les symptômes[2], ils sont parfois mentionnés dans le même rôle dans le cadre de l’autisme, ou directement en tant que cause. Si l’on peut affirmer qu’aucun colorant de synthèse n’est en soi bénéfique pour la santé, ils ne semblent néanmoins pas responsables du TSA.
Les vaccins
Même si on ne les mange pas, je les inclus ici par analogie du fonctionnement de la théorie. C’est l’un des « facteurs de risques » les plus connus, et qui a la vie dure.
Andrew Wakefiel[3], l’activiste antivax a avoir le premier affirmé l’existence d’un lien entre TSA et vaccin rougeole-rubéole-oreillons, a été radié de l’ordre des médecins et est considéré comme un charlatan. Toute sa soi-disant alerte a eu lieu dans un contexte de conflit d’intérêt financier. L’une des raisons pour lesquelles cette idée perdure est que le vaccin le plus souvent incriminé est effectué aux deux ans de l’enfant, âge où les premiers symptômes du TSA se manifestent souvent.
Les substances prises durant la grossesse
Ces théories promeuvent une vision des personnes enceintes assez condescendante, les dépeignant comme n’ayant pas réfléchi à l’équilibre bénéfice-risque des substances qu’elles ont pu consommer pendant leur grossesse — ou ayant réfléchi, mais tiré les mauvaises conclusions. Au-delà de la supposition de la stupidité desdites personnes enceintes, ce point de vue place fermement l’individualité dans l’enfant à naître et en prive sa mère, qui en est réduite au rôle d’incubateur ambulant dont toute forme de volonté propre et de libre arbitre devrait s’effacer devant le bien-être du fœtus.
Les antibiotiques
Connus pour s’en prendre à la flore intestinale, ce qui est factuellement vrai, le mécanisme serait qu’ils affaibliraient le système immunitaire du fœtus et, ce faisant, le rendraient plus vulnérable à la fameuse hyperperméabilité intestinale qui, en bout de course, mène à l’autisme.
Les régulateurs de la dopamine (médicaments contre les nausées ou le TDAH, entre autres)
J’avais consacré une série d’articles à la dopamine[4] et au rôle possible qu’elle pourrait avoir, ainsi que les substances prises pour la réguler, sur le TSA. La conclusion, pour épargner à mon lecteur une vingtaine de minutes de lecture, est qu’on ne sait pas. Il pourrait éventuellement avoir certains liens, mais rien n’est moins sûr, et en attendant, il est pertinent que les personnes enceintes continuent leurs traitements plutôt que de s’infliger plusieurs mois d’inconfort, voire d’incapacité à fonctionner, pour un risque hypothétique.
Le paracétamol
Difficile de ne pas mentionner le paracétamol dans cet article, dont l’actualité américaine nous a rappelé que tout, même cet innocent antidouleur, pouvait être suspecté. Le paracétamol pris durant la grossesse n’augmente pas le risque de TSA chez l’enfant, pas plus que la prise, à un dosage adapté, par l’enfant.
Pour certaines substances, on peut réfléchir et identifier le mécanisme qui a pu pousser quelqu’un à voir un lien de cause à effet. Pour le paracétamol, ce n’est à mon sens même pas le cas. Parfois les gens ont mal quelque part, ou de la fièvre, et ils prennent du paracétamol. Parfois ils ont des enfants autistes. Je ne sais pas quoi dire.
L’alcool
L’alcool est effectivement nocif pour le développement du fœtus, mais ne cause pas l’autisme. Une confusion possible peut venir du fait que le trouble du spectre d’alcoolisation fœtale, ou syndrome d’alcoolisation fœtale a des éléments en commun avec le TSA.
Ayant une fois de plus étendu cet article au-delà du raisonnable, je laisse ici mon lecteur et le retrouverai la semaine prochaine pour enquêter sur les causes métaphysiques de l’autisme.
[1]Mais pas que.
[2]Il se pourrait qu’il y ait un lien chez les enfants entre la gravité de symptômes pré-existants, en particulier l’hyperactivité, et la consommation de certains colorants alimentaires, mais la question est très floue, les études ont tendance à se contredire pour l’instant.
[3]https://fr.wikipedia.org/wiki/Andrew_Wakefield
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Bonjour,
J’observe que tout le monde n’a pas le même TCA. Le mien me pousse à très mal manger. Je ne peux même pas enlever certains aliments que je ne devrais pas manger parce que sinon j’en serais réduit à une poignée d’aliments.