
Ça non plus, ça ne cause pas l’autisme Partie 2
- Julie BOUCHONVILLE

La semaine dernière, nous nous sommes longuement étendus[1] sur pourquoi les explications pseudoscientifiques de l’autisme avaient toujours un certain succès, et pourquoi malgré de bonnes intentions, elles restaient dangereuses.
Cette semaine, nous attaquons le vif du sujet : lesquelles sont-elles au juste ?
Facteurs externes qui seraient facteurs de risque de TSA
Une mère peu avenante
Avoir une mère très distante, dure ou froide, ne manifestant pas d’affection, n’est sûrement très bon pour personne, parce que les humains sont des animaux sociaux. Cela ne rend néanmoins pas les gens autistes pour autant.
La connexion est vaguement compréhensible : un parent n’exprimant aucun code social, aucune émotion pourrait être un obstacle dans l’apprentissage par mimétisme de son enfant, après tout. Cela a aussi des impacts sur la santé psychique et émotionnelle : les personnes qui grandissent dans des circonstances de négligence émotionnelle peuvent en témoigner.
Cette idée est peut-être liée à une cause factuelle du TSA : un parent qui semblerait peu émotif, par exemple parce qu’il aurait un TSA, augmenterait la probabilité de son enfant d’en avoir un lui aussi. Pas à cause de ses expressions faciales, mais bien de la génétique, cette vieille coquine.
Les écrans et l’autisme
J’y ai consacré une série d’articles par le passé[2] : les écrans, accusés de tous les maux et censés fondamentalement pervertir la jeunesse, seraient bien sûr responsables de cela aussi. Mais l’on revient à la volonté de simplification mentionnée la semaine dernière : oui, l’abus d’écrans est nocif pour les enfants, surtout les jeunes enfants, et oui, le cerveau d’un petit enfant a besoin de développer toutes sortes d’aptitudes auxquelles le temps d’écran ne participe pas. Mais une chose peut être pas terrible, ou même franchement délétère, sans être un facteur de risque du TSA pour autant.
Et comme je le disais dans la série d’articles en question, si un petit enfant passe plusieurs heures par jour devant un écran, au point qu’il interagit plus avec lui qu’avec d’autres humains, c’est le signe que sa situation est très problématique, et le TSA est sans doute le cadet de ses soucis.
Un syndrome d’hyperperméabilité intestinale
Les intestins ne sont pas étanches, ce qui est une bonne chose pour que les nutriments issus de notre digestion puissent être distribués à l’ensemble de notre corps. Cette perméabilité n’est néanmoins pas totale : certaines substances sont censées passer la barrière intestinale, et d’autres, vraiment pas. Une théorie qui n’a pas été validée par la communauté scientifique propose que les intestins de certaines personnes souffrent d’un syndrome d’hyperperméabilité, ce qui mènerait à toutes sortes de pathologies mal expliquées autrement comme la fatigue chronique, la fibromyalgie, le lupus, les migraines, des maladies auto-immunes, l’obésité, la schizophrénie et, bien sûr, l’autisme.
La question est d’autant plus complexe que l’hyperperméabilité intestinale est un phénomène documenté. La maladie cœliaque, par exemple, résulte de ce phénomène : une réaction immunitaire déclenchée par le gluten a lieu au niveau des cellules en contact avec le bol alimentaire[3], et cela permet à des protéines issues du gluten de les traverser et d’aller au contact des cellules plus en profondeur[4].
Dans le cadre de l’hypothétique syndrome d’hyperperméabilité intestinale, en revanche, les symptômes ne sont pas seulement digestifs, mais divers et variés, et liés à tout un tas de pathologies très différentes, y compris le TSA. Histoire de troubler un peu plus l’eau, on notera que des recherches sont en cours, au niveau de l’expérimentation animale[5], pour essayer de déterminer si la piste vaut quelque chose, car comme mon lecteur le sait sans doute, de nombreuses personnes autistes ont des problèmes digestifs récurrents, et au moins dans certains modèles animaux, une perméabilité inhabituelle de l’épithélium intestinal est parfois constatée chez les individus autistes[6].
Même si la corrélation était effectivement prouvée, ce qu’elle n’est pas encore, on serait cependant encore loin de déterminer une relation de cause à effet entre hyperperméabilité intestinale et TSA, et le syndrome d’hyperperméabilité intestinale n’est toujours pas une pathologie reconnue ou même clairement définie. À l’heure actuelle, il n’est donc pas pertinent d’éliminer ou d’inclure des aliments dans le régime alimentaire d’une personne autiste pour le principe[7].
Le manque de mouvement pendant la grossesse
La mère a-t-elle dû rester allongée ? Si oui, si l’on en croit cette théorie, le manque de stimulation du fœtus que cela a entraîné peut l’avoir rendu autiste. Il est vrai que l’on n’avait sans doute pas assez blâmé les mères, qui de surcroît se sont sans doute allongées par flemme ou volonté d’hiberner.
Je trouve cette théorie particulièrement cruelle, car, au-delà du fait que personne ne passe huit semaines[8] allongé à ne rien faire pour le plaisir, l’une des principales raisons de prescrire l’alitement est un risque d’accouchement prématuré, un phénomène qui peut être mortel pour le bébé. L’injonction contradictoire que cela renvoie est assez effroyable. Et bien sûr, n’oublions pas que l’un des authentiques facteurs de risque de TSA est, tout bêtement, un poids de naissance plutôt bas. Et qu’est-ce qui a tendance à provoquer cela ? Un accouchement prématuré.
Ayant constaté que cet article ne cessait de se gonfler comme la proverbiale grenouille, je laisse ici mon lecteur pour aborder avec lui la semaine prochaine les substances que l’on ingère ou s’injecte et qui, si l’on en croit les théories, pourraient rendre autiste.
[1]Et par là je veux dire que je me suis longuement étendue.
[2]https://bienetreautiste.com/blogs/infos/la-verite-sur-le-lien-entre-autisme-et-ecran-partie-1 série de trois articles
[3]Les cellules de l’épithélium intestinal.
[4]Ces cellules vont à leur tour avoir une réaction immunitaire, se trouvant en contact avec une substance qui n’est pas censée être là. Ces réactions régulières et violentes, en plus de maintenir la muqueuse intestinale dans un état inflammatoire, vont avec le temps détruire les villosités intestinales, ce relief qui tapisse la paroi interne des intestins et qui est essentiel à la bonne absorption des nutriments. Pour une personne cœliaque, consommer du gluten amène de l’inconfort temporaire lié à la réaction immédiate, mais est aussi dangereux sur le long terme pour le bon fonctionnement de tout son système digestif.
[6]Ou assimilés comme tels. Je rappelle ici que les modèles animaux ont vraiment leur limite lorsqu’il s’agit de la discussion d’un neurotype, entre autres puisqu’ils excluent toute forme de dialogue avec l’individu et toute information issu de son propre vécu.
[7]Ce qui n’exclut pas d’éliminer ou d’inclure des aliments si la personne en a envie ou se sent mieux ce faisant.
[8]Quand ce n’est pas plus.
Pour toute question sur nos articles de blog, contactez la rédactrice à : juliebouchonville@gmail.com
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