Les cadeaux et la personne autiste

Loin de moi l’idée d’encourager mon lecteur à se plier au capitalisme, mais s’il avait envie, en cette période, d’offrir un cadeau à une personne autiste, voici une série de notions qui pourraient le guider.

Poser la question

De nombreuses personnes autistes n’aiment pas trop les surprises, et face à un cadeau décevant, n’auront pas le réflexe de faire semblant d’être ravies. Pour éviter les moments malaisants, si l’on n’a aucune idée de ce qui pourrait faire plaisir à un proche, le mieux est encore de le lui demander. Il est probable que la requête explicite passe plus comme de la prévenance que comme la flemme de chercher.

Intérêt spécifique et niveau d’expertise

Un intérêt spécifique, c’est un sujet[1] qui passionne la personne autiste et vis-à-vis duquel elle va, bien souvent, atteindre un niveau d’expertise élevé. Lui offrir quelque chose en rapport avec son intérêt spécifique lui fera sûrement plaisir, mais il convient de respecter son niveau d’expertise. Cela peut parfois être problématique, surtout lorsque la personne en question est un enfant. Il serait tentant, par exemple, d’offrir à un enfant de 8 ans passionné d’archéologie un livre portant sur ce sujet et destiné à un public 10-12 ans. Néanmoins, si ledit enfant a derrière lui trois ans d’intérêt spécifique dont deux à lire du matériel publié et en ligne, il est très au-dessus du niveau d’un tel ouvrage.

Également, avec la passion vient un certain niveau de purisme. Quelqu’un qui est passionné par l’œnologie n’appréciera peut-être pas une pourtant délicieuse bouteille de rosé pamplemousse[2], tout comme un amateur de peinture flamande du 17e siècle pourra considérer avec mépris un billet pour exposition centrée sur la tradition anglaise de la même époque.

Si mon lecteur ne connaît pas grand-chose à l’intérêt spécifique de son proche mais aimerait néanmoins lui offrir quelque chose en rapport avec ce thème, je suggère la voie détournée du produit dérivé. Par exemple, on pourrait offrir à une passionnée de trains une tasse de voyage avec des motifs de locomotive. Ce sera toujours mieux qu’un livre qu’elle a déjà ou qu’elle a jugé insatisfaisant des mois plus tôt.

Idées de cadeaux génériques

– Un casque antibruit, des bouchons d’oreille.

– Un jouet à manipuler et/ou à mâcher : les options sont très diverses de nos jours, avec des matériaux allant du bois au silicone et des designs/conceptions variables

– Un casse-tête manuel

– Un tour de cou fin comme pour le cyclisme, en coton sans couture, pour la sensation de pression et de protection des courants d’air

– Un abonnement à une appli de méditation[4]

– Une couverture douce et moelleuse[5]

– Une activité en lien avec un intérêt spécifique

– De la nourriture, non pas que ce soit lié à l’autisme en particulier, mais une personne autiste est moins susceptible de s’offusquer qu’on lui offre « juste » quelque chose qui se mange, si bien sûr elle aime la chose en question

– Un accès à un cours en ligne, par exemple pour apprendre un loisir créatif ou une discipline artistique

– Un abonnement à une box sur un thème donné (livres, fournitures artistiques, nourriture, jeux vidéos…)

La quantité de cadeaux

Certaines personnes apprécient l’abondance lorsqu’elles reçoivent des cadeaux : quinze petits paquets valent mieux qu’un gros, et la diversité et le nombre font partie du plaisir. D’autres, en revanche, peuvent être dépassées, voire ressentir de l’anxiété face à une trop grande quantité de cadeaux. Face à ce second cas, il est parfaitement acceptable de remercier les différents participants et de ranger la plupart des cadeaux sitôt déballés, voire de les déballer sur plusieurs jours, un ou deux à la fois, pour pouvoir réellement les apprécier.

La déception face à un cadeau

Il se peut qu’une personne, surtout une jeune personne autiste, face à un cadeau, semble déçue, voire s’exclame un « c’est nul » adolescent[6], mettant ainsi tout le monde mal à l’aise. Quelques éléments pour éviter le drame :

– La personne avait sans doute une idée de ce qu’elle allait recevoir, et sa déception vient plutôt du décalage entre son idée et la réalité que d’un manque de qualité intrinsèque relatif au cadeau qu’elle a effectivement reçu.

– La personne parle de l’objet en face d’elle, et non pas de celle ou celui qui l’a acheté, emballé et offert. Il est probable que dans sa réaction émotionnelle initiale, elle ne pense même pas à ce tiers à l’origine du cadeau.

– La personne ne cherche pas à pourrir l’ambiance ; l’effet de sa réaction sur la journée ne lui traverse sans doute même pas l’esprit.

– Il est parfaitement normal d’être soi-même déçu et frustré quand on a offert un cadeau qui était censé faire mouche et ne génère que déception ; en revanche, il n’est pas toujours pertinent de l’exprimer, cela dépend du contexte.

– La grosse majorité des cadeaux peut être échangée ou remboursée.

– Passer à autre chose rapidement reste le meilleur moyen de limiter le malaise ambiant.

Conclusion

Il ne me reste qu’à souhaiter à mon lecteur d’excellentes fêtes de fin d’année. Nous nous retrouverons la semaine prochaine pour le dernier article de 2023.

[1]Exemple : la Pat’Patrouille, la Bête du Gévaudan, les timbres français, les volcans, Napoléon, le Pérou, …

[2]En tant que passionnée de thé à qui l’on offre continuellement des thés parfumés, je sais de quoi je parle.

[4]En soi, la méditation est pas mal pour de nombreuses comorbidité de l’autisme, néanmoins tout le monde n’est bien sûr pas intéressé.

[5]Certaines personnes n’aiment pas cela, mais personne qui aime les couvertures ne s’est jamais dit « wow j’ai trop de couvertures, je devrais réagir ».

[6]Et ce quel que soit son âge.