Les difficultés liées aux changements pour l’adulte autiste
- MARIADNE GUINARD
Pourquoi les changements posent-ils des difficultés à la personne autiste et comment y remédier ? Voici quelques explications afin de mieux comprendre ce que vit un adulte autiste lorsque ses repères sont perturbés.
Petits changements, grande fatigue
Une personne autiste peut être soudainement très fatiguée, et il sera compliqué pour elle de ne pas le montrer ; cependant, elle ne pourra pas en expliquer les raisons, car elle aura peur de ne pas être comprise ou d’être infantilisée.
L’incompréhension des proches face à cette attitude est liée aux effets que provoquent les petits changements chez la personne autiste. Cela peut être l’arrivée des vacances, un changement d’horaire, un rendez-vous décalé, le déménagement d’un ami ou d’un commerçant auquel il était habitué, etc. Il faut savoir que l’adulte autiste réagira davantage à ce qui peut sembler anodin pour quelqu’un d’autre. Ceci étant dit, il reste que bien souvent, il sera jugé sur cette réaction et peu compris quant à l’impact que cela peut avoir sur son état d’être. Cela peut même passer inaperçu, car avec l’habitude de recevoir des reproches, il apprend souvent à intérioriser son mal-être et à ne pas en parler.
Le bouleversement face aux changements entraîne une grande fatigue, comportement inhérent à la personne autiste. Parfois, sans vraiment en avoir conscience selon ses difficultés personnelles, elle pourra passer par des phases de grande anxiété ou de fatigue extrême, avec un fort besoin de récupérer en ne sortant pas pendant quelque temps ou en dormant davantage. D’autre part, les situations sociales seront plus coûteuses en énergie en cas de changements, parce qu’il faudra totalement revoir sa façon de se présenter, de parler, ou de faire les choses qu’il ou elle avait l’habitude de faire avec ce qui va changer.
Les besoins de repères et de rythme pour un autiste adulte
L’adulte autiste aura de la peine à rester en forme s’il n’adopte pas le rythme qui lui convient. Il a besoin d’anticiper, de savoir à quoi s’attendre ; tout doit être prévu et prévisible ; c’est pourquoi les informations nouvelles vont venir perturber ses habitudes et l’empêcher d’anticiper. Cela peut littéralement le figer ; il ne saura plus quoi faire et devra attendre un moment avant d’avoir assimilé le changement.
Les relations sociales sont souvent très perturbantes, car les envies des autres personnes sont imprévisibles, et il n’est pas possible de prévoir à l’avance qui sera à une soirée, ou qui nous rencontrerons dans un lieu public tel qu’un café ou un restaurant. Par exemple, croiser une personne connue dans un supermarché peut totalement dérouter la personne autiste, qui ne saura pas comment réagir et pourra même fuir ou paraître froide et malpolie. Au contraire, si elle a pu anticiper la possibilité de croiser cette personne, elle aura sans doute une réaction plus adaptée.
Autre possibilité, si l’adulte autiste a su réagir de façon adaptée, dans le déroulement de la journée, elle pourra en ressentir une grande fatigue, car elle aura dû fournir un grand effort d’adaptation à l’inattendu. La personne autiste n’agit pas selon elle, ni ses préférences, ni des conventions sociales, mais elle s’adapte à chaque lieu, à chaque personne en fonction de ce qu’elle analyse. Ainsi, la façon d’être d’une personne autiste n’est pas spontanée, ni intégrée une bonne fois pour toutes. Elle va modifier son attitude de la manière la plus appropriée à chaque situation après une analyse rationnelle de ce qu’il faut faire.
La déstabilisation multifactorielle liée aux changements
La cause du bouleversement n’est pas seulement sensorielle, elle est également fortement liée à un besoin de sens et de cohérence. Un changement brusque dans des règles bien établies ou dans des habitudes fera ressortir un sentiment d’injustice à la personne autiste, qui vivra la situation comme arbitraire et absurde. Elle aura ainsi besoin de temps, non seulement pour s’adapter à la nouvelle situation, mais également pour comprendre et intégrer les raisons ou les non raisons des personnes qui ont modifié leur façon de faire.
Il semble que la personne autiste vive de profondes déceptions lorsque quelqu’un ou quelque chose change, car cela bouleverse des valeurs auxquelles elle croit profondément, telle que la fidélité, l’amitié et la confiance. Lorsque ces valeurs sont bousculées, la personne autiste aura du mal à poursuivre le lien d’amitié, tout en ne sachant pas faire des reproches ou expliquer les raisons de sa déception. Un adulte autiste a tendance à refuser tout ce qui lui semble absurde et, au contraire, rester fidèle aux règles qu’il avait acceptées. Ainsi, il aura su accepter et comprendre les règles d’usage à un endroit ou avec certaines personnes et les modifications, souvent non verbales et tacites, se feront sans lui demander son accord.
Un changement engendre le fait de devoir repenser entièrement sa façon de se comporter et de voir un lieu, une personne ou une situation. Ainsi, les représentations et la valeur accordées à un contexte seront fortement ébranlées et cela peut totalement remettre en question le système de valeur de la personne autiste. Par exemple, elle pourra se préoccuper de savoir si elle doit rester fidèle à ses propres valeurs ou changer de représentations afin de pouvoir continuer à faire partie d’un groupe. Cela ne se fait pas automatiquement et engendre immédiatement un conflit interne ou un cas de conscience, afin de savoir si le changement est juste d’une part et d’autre part, si ce qui a été changé implique d’autres changements. Cet enchevêtrement de pensées et de stimuli s’accumulent soudainement dans l’esprit et le corps de la personne autiste, engendrant une grande angoisse, parfois difficile à gérer si la personne n’a pas pris conscience de ce qui se produit en elle.
Le risque de meltdown et/ou de shutdown
Le changement ne cause pas une simple contrariété et il est souhaitable de ne pas minimiser son impact sur la personne autiste. La réaction émotionnelle peut ne pas sembler appropriée et totalement disproportionnée par rapport au changement et pourtant, l’ébranlement de l’intégralité de la personne est réel. En effet, le bouleversement causé par la modification de quelque chose qui était prévu ou qui était inscrit dans les habitudes de la personne peut provoquer un véritable effondrement. Le risque est premièrement que la personne vive un shutdown, c’est-à-dire un repli sur soi intense et soudain, qui peut durer de plusieurs heures à plusieurs jours.
Deuxièmement, la personne peut littéralement exploser : il s’agit d’une crise autistique assez brève et soudaine qui porte le nom de meltdown. La personne peut crier, hurler, pleurer et semble devenir folle. Il faut savoir que si cela arrive, le mieux est de l’isoler, de ne pas lui crier dessus et de la laisser s’apaiser, tout en lui proposant de l’aide et du soutien. Cela signifie que la personne autiste a déjà fait tous les efforts pour prendre sur elle et qu’elle souffre terriblement ; il est donc inutile de la raisonner et elle aura besoin d’aide et de compréhension plutôt que de jugement. Il vaut mieux également éviter de la toucher, sauf si elle le demande.
Comment trouver un équilibre malgré les changements ?
Bien souvent, les petits changements sont inévitables, car rien n’est immuable. Afin de préserver l’équilibre d’une personne autiste, il est important de maintenir une stabilité autant que possible dans toutes les sphères de sa vie. Ainsi, cela lui permettra de se raccrocher à ces éléments stables pour se remettre des bouleversements fréquents qui adviennent dans la vie quotidienne.
Certaines personnes autistes pourront mettre en place un planning, tenir à jour un agenda. Ainsi, en cas de modification d’horaire pour un rendez-vous, elles pourront visualiser ce que cela implique. Il existe de nombreux supports pour s’organiser : une application sur le téléphone, un agenda lié à sa boîte mail, des post-it, un calendrier mural ou un agenda de poche à emmener partout, une to do list. Pouvoir vérifier ses rendez-vous facilement permet de se rassurer en voyant le temps libre qu’il reste en cas d’imprévu.
Pour les relations et les interactions sociales, il est important de trouver un interlocuteur qui puisse conseiller la personne autiste, afin qu’elle puisse savoir comment réagir. Un référent ou une personne de confiance au courant de ses difficultés constituera un repère stable qui sera présent en cas de changement. Cet interlocuteur pourra aider l’adulte autiste à comprendre les raisons des changements d’attitude d’une personne et de trouver des stratégies pour se rassurer.
La psychologie positive peut également constituer un atout. Il existe des livres et des conférences très utiles pour essayer de trouver les bons côtés des changements. La personne autiste subira tout de même la fatigue liée au changement, mais pourra trouver des ressources pour se sentir mieux et ne pas se vider totalement de son énergie en nourrissant des peurs ou des déceptions. Il est également possible de trouver le moyen de verbaliser une déception et de formuler des demandes grâce à la CNV (communication non violente). Exprimer ses ressentis permet de moins s’épuiser en contenant ses émotions, et pouvoir discuter avec les autres peut aider à passer à autre chose. Si la discussion n’est absolument pas possible, la personne autiste peut également tenir un journal et écrire ses ressentis, ses émotions avant de se sentir totalement démunie. L’écriture peut être un support pour se rassurer et un repère, car elle pourra relire ce qui s’est passé et donner du sens à ce qui a été vécu malgré les déceptions.
Afin de réagir de façon plus calme face aux changements, l’approche thérapeutique nommée TCC (thérapie comportementale et cognitive) peut également aider la personne à changer sa façon de vivre les événements. Avec l’aide d’un thérapeute, elle pourra revoir ses représentations mentales et éliminer quelques croyances négatives qui ajoutent à sa fatigue.
Enfin, pour mieux vivre les changements, il est important de favoriser ses centres d’intérêt. Dans ce cas, penser à autre chose et s’évader dans son univers est une des capacités que peut avoir la personne autiste pour se sentir mieux. En effet, elle a souvent un loisir ou une activité de prédilection et ce sera le moment idéal pour s’y plonger davantage et ainsi, se renforcer avec des émotions agréables.
La détente et le repos, le havre de paix
Un adulte autiste doit pouvoir se détendre et se reposer afin de mieux intégrer les changements et bouleversements au quotidien. Ainsi, il est important de mettre en place et à l’avance des moyens de s’auto-apaiser ou de se réfugier dans un havre de paix. Pour pallier les changements et les impondérables, il est possible d’avoir un kit de survie pour se relaxer en toute situation. À la maison, nous pouvons trouver la couverture lestée ou une bouillotte, qui pourront permettre à la personne de se sentir réconfortée et de se relaxer afin d’absorber la charge de stress causée par un changement.
Si l’adulte autiste ne peut pas être chez lui, il est possible d’avoir sur soi un casque anti-bruit, une balle antistress ou de la musique apaisante qu’il pourra écouter avec un casque. Lors des voyages ou d’une journée de travail, il peut être très utile de prévoir un lieu pour aller s’isoler si besoin. Essayez de repérer où se trouve la bibliothèque la plus proche, ou un endroit au calme qui peut offrir des fauteuils et une salle de travail permettant de s’isoler. Lorsqu’un changement survient dans la vie d’une personne autiste, il est important de ne pas l’exposer aux bruits et aux lumières fortes ; ce sera une période où il faudra la ménager et prendre davantage de temps pour elle.
En résumé, quelques clés pour moins subir les changements
- Se recentrer sur ses centres d’intérêt, ses habitudes, créer un maximum de repères stables.
- Utiliser un kit de survie, des choses agréables, de la musique, mettre en place un rituel.
- Avoir un planning, un agenda qui offre la possibilité d’une certaine flexibilité.
- Travailler les représentations mentales, avec la psychologie positive ou la TCC.
- Trouver un havre de paix où que l’on soit, pour pouvoir anticiper une crise et apaiser la tension ou l’angoisse.
- Écrire ses ressentis ou essayer de communiquer ses émotions aux personnes concernées par le changement, grâce à des outils tels que ceux de la CNV.
- Se reposer, prendre du temps pour soi, éviter les lieux bruyants en cas de contrariété.
J’ai été diagnostiqué autiste il y a 4 mois, et je viens de déménager….. aujourd’hui, nous avons remplacer notre lit par un plus grand : 140/200 à 160/200
Le lit est trop haut, le 160/200 est trop grand….
Je n’y arrive pas…. Vraiment, je ne veux même plus rentrer dans la chambre tellement c’est horrible…
Je ne suis pas chez moi, j’ai l’impression d’être dans un rbnb….
J’ai rendu les clé de l’autre appartement
Je ne sais plus quoi faire….
Je veux retourner ou j’étais mais il y a de la moisissure partout, c’est pour ça que j’en suis partit
Le lit est trop près du meuble, c’est dangereux pour la petite, et ça bouffe la place…. Vraiment je n’y arrive pas…. Je veux rentrer chez moi…
C est très juste. Cependant rien n est gravé et travailler sur les schémas de représentation de la vérité peut aider l autiste à dépasser aussi l enfermement dans lequel la norme le contraint.
On peut être rigide et non linéaire. L autiste doit trouver son expression intellectuelle et arrêter de se faire dicter la ligne de fonctionnement qu on veut lui imposer.
Il a ses limites et ses difficultés, mais il a aussi ses atouts. Il faut réfléchir à ce qui tend du “handicap” intrinsèque et ce qui tend du poids d une façon imposée d aborder les choses.
j’envoie votre écrit a la personne qui s’occupe de moi, pour qu’elle comprenne, ce que j’essaie de lui expliquer. Merci