Maltraitance involontaire
- Julie BOUCHONVILLE
(Cet article contient au moins une description détaillée de maltraitance. Si mon lecteur est sensible à ce genre de contenus, je l’encourage à se préserver et ne pas le lire.)
Quand on parle de maltraitance, tout le monde voit plus ou moins de quoi il s’agit. Une personne, généralement en position d’autorité, ignore les besoins d’une autre personne sur laquelle elle a de l’ascendant et la pousse dans des situations déplaisantes, effrayantes, douloureuses ou généralement traumatisantes. C’est un acte, ou un ensemble d’actes, délibéré et générateur de souffrance.
Sauf que, des fois, il est en fait involontaire. Comment est-ce possible ? Peut-on vraiment ne pas remarquer qu’on fait souffrir quelqu’un ? Hélas, oui.
Décharger le terme « maltraitance »
Pour beaucoup d’entre nous, le mot évoque une attitude très « années 20 », un parent ou un enseignant autoritaire qui hurle pour le principe, interprète toute hésitation comme une volonté de le défier et est verbalement et physiquement violent. Si on pense comme ça, toutefois, on passe à côté de tout un pan du problème, comme on le fait parfois avec les nazis : nous sommes collectivement si convaincus que les nazis portent des moustaches ridicules et des uniformes beiges que nous sommes souvent incapables de les reconnaître lorsqu’ils ressemblent à autre chose. Or un problème qu’on ne parvient pas à identifier est un problème impossible à résoudre.
La définition la plus simple et complète de la maltraitance que je puisse donner est la suivante : c’est lorsqu’au sein d’un rapport de pouvoir, une personne en traite une autre avec indignité, mépris ou violence. C’est énorme, bien sûr, mais cela englobe des comportements qu’on ne classerait pas forcément ainsi parce que « pas si pires ».
Quel rapport avec l’autisme ?
De nombreuses personnes autistes, quel que soit leur âge, sont dépendantes de leur entourage. C’est un rapport de pouvoir : la personne autiste dépendante a moins de pouvoir que la personne dont elle dépend.
Et comme on s’en doute, les enfants ont toujours moins de pouvoir que les adultes autour d’eux. Les enfants autistes, encore moins.
Ce sont deux grandes catégories de situations dans lesquelles la maltraitance involontaire peut se produire, a fortiori parce que l’une des particularités de l’autisme est un rapport différent aux stimulus sensoriels : ce qui est acceptable ou « pas bien méchant », voire même agréable, du point de vue non-autiste, peut être abominable du point de vue autiste[1].
Les personnes qui entourent les autistes peuvent ne pas comprendre qu’elles sont en train de mal faire lorsqu’elle agissent « normalement ». Elles peuvent vouloir les aider ou leur apprendre à surmonter un problème et ne pas percevoir qu’elles sont en train de leur faire du tort.
Enfin, comme nous l’avons vu dans notre article sur la double empathie[2], les neurotypiques ont plus de mal à comprendre ce que nous ressentons et la manière dont nous l’exprimons, ce qui renforce le problème : si on ne se rend pas compte que quelqu’un est en train de protester, on ne peut pas l’écouter.
Dans la seconde moitié de cet article, nous examinerons des situations de maltraitance « avec les meilleures intentions » et réfléchirons à comment limiter cette maltraitance.
N'hésitez pas à visiter notre boutique en ligne !
[1]Je suis par exemple incapable de toucher certains cotons démaquillants et les matières qui crissent de la même manière. Mon cerveau interprète ce contact comme de la douleur physique.
[2]https://bienetreautiste.com/blogs/infos/l-autisme-c-est-les-autres