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L’art d’être ami avec une personne autiste - Partie 1

- Julie BOUCHONVILLE

L’art d’être ami avec une personne autiste - Partie 1

Les personnes autistes sont, c’est un fait avéré, vraiment cool et particulièrement aimables, en plus d’avoir de beaux cheveux. [1] Il est donc normal que les neurotypiques désirent être nos amis, afin de profiter de notre conversation délicieuse, de notre loyauté intense, de notre sens de l’humour décalé et de nos conseils pour mieux gérer leur quotidien[2].

Néanmoins, une remarque que l’on entend souvent revenir est qu’il peut parfois s’avérer difficile d’être ami avec une personne autiste. Cela peut venir de problèmes de communication, de conceptualisations divergentes de notions comme l’intimité, la politesse ou les valeurs, d’une difficulté à partager des activités ou centres d’intérêt, etc.

Que faire, alors, si l’on aimerait être ami avec une personne autiste, mais qu’on a l’impression que c’est parfois complexe ?

 

Les autistes comprennent mal les sous-entendus

Honnêtement, si un message est subtil, il y a une certaine probabilité qu’il nous passe au-dessus. Par « message subtil », j’entends plusieurs choses (liste non exhaustive) :

– Les questions qui sont en fait des affirmations déguisées (« Penses-tu qu’il y aura assez de place pour les invités ? » qui veut en fait dire « À mon avis c’est mort, il n’y aura jamais assez de place »)

– Les mensonges polis (« Je suis assez prise en ce moment » pour « Je n’ai envie de voir personne en ce moment »)

– Les euphémismes délicats (« Ce n’est pas mon resto préféré » pour « Je déteste cet endroit » ou « Je préfère faire X, mais tout me va » pour « Les options qui ne sont pas X font carrément pitié »)

 

Nous avons tendance à considérer que les gens disent ce qu’ils pensent et pensent ce qu’ils disent, et en plus, nous sommes souvent assez précis dans notre compréhension des choix de vocabulaire. Une personne neurotypique pourrait penser que son ami autiste est souvent obtus ou refuse de faire des concessions, et peut-être est-ce le cas, mais il est aussi très possible que l’ami en question n’ait tout simplement pas compris quand elle lui demandait, de manière détournée, de faire lesdites concessions.

Bien sûr, je n’encourage pas mon lecteur à être cruel ou brutal dans sa manière de parler à ses amis autistes, mais il me semble utile d’être sincère et clair. Quelques exemples :

– « J’aimerais que nous allions au cinéma ensemble pour voir tel film, mais je ne suis disponible que mardi soir, est-ce que ça te tente ? » : on donne clairement tous les paramètres qui sont importants, plutôt que de minauder sur le choix du film et de la date alors qu’on sait très bien qu’une seule combinaison fonctionne.

– « Je n’aime pas trop cette recette que tu as suivie, je trouve que la texture manque d’intérêt » : on fournit une critique détaillée et honnête sans tomber dans une formulation méchante.

– « Nous nous parlons peu en ce moment et ça me manque ; si tu as du mal à dégager du temps pour se voir en face à face, peut-être que nous pourrions jouer ensemble en parlant sur Discord ? » : on énonce clairement un besoin et on propose les paramètres de ce qui serait acceptable pour le combler.

– « Tu ne proposes jamais de payer ta part, ce qui fait que je me sens obligé de payer pour toi, et ça me met mal à l’aise » : on explique tant le comportement qui nous pose problème que l’impact que cela a pour nous, sans accusation personnelle.

– « J’ai peur que l’organisation que tu as prévue pour tel jour ne fonctionne pas, j’ai l’impression qu’il n’y a pas assez de temps entre ces deux évènements, et l’ensemble ne fonctionne que si Untel n’oublie rien, or nous savons tous les deux qu’iel est très tête en l’air. Est-ce qu’on peut en parler ? » : le problème est mentionné sans équivoque et en des termes qui invitent à la discussion.

 

Une communication saine et ouverte permet de limiter les risques de ressentiment, et permet d’aplanir les différends dès leur apparition. Si mon lecteur n’a pas encore implémenté ces méthodes d’expression, qu’il ne désespère pas : une personne autiste ne trouvera pas bizarre qu’il lui annonce vouloir désormais s’exprimer avec plus de clarté. Au contraire, elle en sera sans doute très contente.

 

Les autistes peuvent manquer de tact

C’est l’un des traits que les représentations fictives ne manquent jamais de souligner : à quel point les autistes sont trop francs, trop sincères, trop dénués de filtre entre leurs pensées et leurs paroles. Si cet aspect de nos personnalités est souvent caricaturé, parfois ad nauseam, il reste néanmoins vrai que nous pouvons parfois manquer de tact, nous tromper dans notre estimation de ce qui sera bien ou mal reçu, ou simplement avoir du mal à comprendre que certains sujets vont mettre les autres mal à l’aise.

La bonne nouvelle est que nous pouvons, malgré tout cela, apprendre de nos erreurs ! Ce qui veut dire que mon lecteur peut absolument expliquer à ses proches autistes pourquoi telle remarque le met mal à l’aise ou telle question était, en fait, impolie[3].

Attention ! Les personnes autistes ont souvent besoin de beaucoup de données pour bien comprendre une instruction sociale. Mon lecteur devra sans doute se livrer à pas mal de réflexion et d’introspection, et faire preuve de vulnérabilité, pour bien expliquer la situation, parce que « c’est impoli et c’est tout » ou « tu sais très bien pourquoi je n’aime pas ça » ne suffiront pas.

 

Exemple d’une explication réussie

Noisette : Tu as mis le groupe mal à l’aise quand tu as demandé dans quel contexte ils seraient prêts à se livrer à du cannibalisme.

Ananas : Vraiment ? Pourquoi ?

Noisette : La plupart des gens n’aiment pas penser au cannibalisme.

Ananas : Pourquoi ? Ce n’est qu’une expérience de pensées, je ne leur ai pas dit d’aller manger un steak de leur cousin.

Noisette : Je suis d’accord avec toi, mais le cannibalisme, c’est pas cool ; y penser, ce n’est pas agréable. Les gens se demandent pourquoi toi, tu y penses, ils se demandent si tu n’es pas un tueur en série qui cache son jeu, et comme la conversation jusqu’alors n’avait pas abordé de thème morbide, devoir d’un coup penser au cannibalisme, ça met mal à l’aise.

Ananas : Est-ce que ça veut dire que je ne peux jamais parler de cannibalisme ? Si je précise que je ne suis pas un tueur en série, ce sera pire, non ? C’est ce que dirait un tueur en série…

Noisette : Tu as raison, ne le précise pas. Je pense que tu peux éventuellement parler de cannibalisme, mais uniquement dans un contexte où le sujet est déjà un peu morbide, ou alors si les gens sont en train de parler d’une situation où le cannibalisme serait pertinent.

Ananas : Comme un crash d’avion sur une montagne enneigée ?

Noisette : Voilà. Comme ça ils ne se disent pas « wow cette personne pense tout le temps au cannibalisme, pour ce que j’en sais », et le sujet a l’air d’être amené par ce qu’on disait avant, pas de sortir de nulle part. Et ce serait bien que tu précises un truc comme « mais on n’est pas obligés d’en parler si vous n’avez pas envie ».

 A lire également : Autisme et non-dits et Autisme et naïveté

La semaine prochaine, nous comparerons cette explication réussie à une explication plus ratée, et verrons ensemble d’autres astuces comportementales.

 

[1]Ceci est une plaisanterie. Certains d’entre nous se rasent la tête.

[2]Quiconque connaît un autiste a sans doute déjà dû subir une leçon sur le thème de « il ne faut pas laisser les cuillères se coller dans le panier à couverts du lave-vaisselle, sinon elles ne seront pas nettoyées correctement » ou « qu’est-ce que tu veux dire, tu bois du café issu d’assemblage, est-ce quelqu’un t’as maltraité dans ton enfance ? », par exemple.

[3]Une note, à ce stade : qui que nous soyons, nous ne devons jamais à quiconque de faire son éducation. On peut ne pas avoir envie d’expliquer à quelqu’un pourquoi nous nous sommes sentis blessés, pourquoi sa réflexion nous a mis en colère, etc., et ce même si l’auteur de la remarque en question est autiste et la personne qui l’a reçue est neurotypique. Même une personne autiste est capable d’entendre quelque chose comme « C’est insultant quand tu dis ça, et je n’ai pas l’énergie mentale de t’expliquer pourquoi, j’aimerais qu’on change de sujet à présent. »


1 commentaire
  • Très amusant le petit dialogue sur le cannibalisme, tout à fait moi. Choquer les gens avec des expériences de pensée et ne pas comprendre comment ils peuvent l’être parce que… la réalité est bien pire et ça ne semble pas les choquer plus que ça!

    Mais autrement, au quotidien, les gens auquel on fait confiance pour ne pas nous mentir (oui, pour moi, les sous-entendus, c’est plus qu’une forme d’imprécision, c’est une forme de mensonge social) finissent toujours par reprendre leurs habitudes vis-à-vis de nous, parce qu’ils savent bien que ça leur permettra d’éviter certaines discussions épineuses ou conflictuelles, comme c’est prévu à l’origine. Sauf que c’est bien plus douloureux pour des personnes qui carburent à la franchise.

    Spatule le

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