Perception "Tout ou Rien" des Personnes Autistes
- MARIADNE GUINARD
Le fait de tout voir en noir et blanc, d’avoir une pensée qui se caractérise par dire que « c’est tout ou rien » ; que c’est « comme cela et pas autrement » est-il une caractéristique autistique, comment dépasser et comment nuancer cette vision réductrice que la société peut avoir au sujet des personnes autistes ?
Dans cet article nous donnons quelques éléments de réflexion pour essayer d’en finir avec un préjugé très ancré quant à ce qu’est une personne autiste et à une soi-disant conception binaire du monde.
Définition de la pensée en tout noir tout blanc
Le fait d’avoir une pensée en « tout ou rien » pourrait être un critère du DSMV, mais ne fait pas partie des aspects définissant la personne autiste dans ce manuel destiné aux professionnels de la psychologie. Ce type de pensée est surtout un phénomène issu de croyances et de pensées négatives ou dualistes sur le monde. C’est-à-dire que cela peut concerner tout un chacun !
Ainsi, le fait de penser que tout le monde est méchant avec moi est une croyance et une exagération, une amplification d’un vécu, d’un ressenti et est davantage la conséquence, d’un conditionnement, lié à un vécu traumatique ou d’un environnement ayant été peu amical envers soi de façon répétée.
La pensée dichotomique peut également être vue comme un biais, une perception erronée liée à une absence de recul et une surgénéralisation de l’observation de quelques situations ou de quelques expériences vécues. Que ce soit pour une personne autiste ou une personne neurotypique, il est possible de déconstruire la tendance à la surgénéralisation via les thérapies comportementales et cognitives, par l’intermédiaire de la pensée positive ou de la méditation de pleine conscience. Penser en tout ou rien serait une forme de rigidité excessive, une forme de blocage, de tendance à ne pas vouloir faire d’efforts, et l’assimiler systématiquement au comportement autistique peut constituer un leurre. Qu’en est-il donc de la personne autiste et de la pensée rigide ?
L’autiste et la pensée « en tout noir, tout blanc », ou en « tout ou rien »
L’illusion de penser que l’autiste a une pensée binaire vient du fait que les personnes autistes peuvent être assez radicales dans leurs pensées, leurs passions et leur choix, leur donnant ainsi l’aspect d’une personne ayant une tendance à ne pas s’intéresser à autre chose qu’à son obsession ou à ne pas supporter certains changements, à rechercher une forme d’immuabilité.
Pour autant, cela serait assez réducteur de croire qu’elles sont dans une vision dualiste du monde, une pensée considérant que c’est tout ou rien et que cela concerne toutes les personnes autistes tout le temps. La personne autiste n’est pas un enfant capricieux, cherchant à obtenir uniquement ce qu’il veut, et n’ayant aucune capacité à sortir d’une vision binaire du monde et de son environnement, il s’agit là d’un abus de langage et d’une pensée réductrice qui se trouve être elle-même totalement limitée et duale.
La personne autiste peut avoir une certaine difficulté à comprendre les émotions et à les identifier. Elle aura une difficulté par exemple à discerner s’il s’agit d’agacement, de colère, ou juste une forme d’impatience. Cette tendance à ne pas pouvoir comprendre les intentions des autres, ou à connaître l’émotion vécue par quelqu’un n’est pas le signe d’une vision manichéenne, ne concevant les autres seulement comme étant gentils ou méchants. Il s’agit avant tout d’une différence neurologique entravant la facilité inconsciente à discriminer les attitudes corporelles, les regards et les mouvements subtils du visage.
Pour les enfants ayant des difficultés à identifier les nuances émotionnelles, nous proposons sur notre site des fiches qui peuvent aider à bien distinguer les émotions de base, en effet dans notre pack de fiches éducatives l’une d’entre elles porte sur les émotions, nous proposons également un jeu des émotions ainsi qu'un puzzle à émotions afin d’apprendre à reconnaître les émotions en s’amusant.
L’avantage de ces supports est qu’ils comportent des images claires et faciles à se représenter aidant les personnes qui comprennent mieux les pictogrammes et les symboles ou qui ont du mal à se départir des petits détails. Ainsi, ces supports visuels aident au contraire à avoir une vision plus générale permettant d’élaborer un concept efficient dans la réalité, tel que celui de joie, de colère ou de tristesse. Au lieu de s’attarder consciemment sur des détails non signifiants, l’aide de visuels simplifiés permet aux personnes autistes d’intégrer une vue d’ensemble dans le but de mieux identifier et de façon plus automatique les émotions d’autrui.
Cette difficulté à bien percevoir la différence entre chaque émotion peut donner l’impression, vu de l’extérieur, que la personne autiste n’est pas capable de nuances. Mais cette caractéristique est, par exemple, souvent compensée par un vocabulaire riche. Ainsi, la personne autiste va capter un grand nombre de signaux non verbaux, et peut avoir une grande confusion du fait de ce flot d’informations sans pouvoir être certaine de comprendre quel est l’enjeu le plus important. Si on lui demande une description du visage d’une personne, nous pourrions être étonnés de la multitude de détails et de nuances repérées dans le visage, peignant une profondeur et une qualité idiosyncratique d’un individu, au lieu de la percevoir de façon généraliste et stéréotypée. Afin de palier au fait d’observer continuellement une multitude de détails, l’autiste classifie, range, chaque teinte, chaque nuance, lui permettant de donner une certaine cohérence au monde qui l’entoure mais cela est chronophage, énergivore et parfois ne permet pas de répondre de façon adaptée à une situation, faute d’une réaction inconsciente et assimilée de longue date.
De même, les quelques rigidités liées à l’emploi du temps, au fait de vouloir bien connaître à l’avance le déroulé d’une journée, ou un ancrage fort dans les valeurs d’un groupe, ainsi que le respect strict des consignes et des règles peuvent encore une fois laisser croire que la personne autiste ne voit le monde qu’en termes de bien et de mal. Cette façon de fonctionner n’est pourtant qu’un reflet de besoins de structures pour mieux se repérer par exemple. En prenant la peine de dialoguer et de philosopher avec un autiste, il sera possible de percevoir une conception bien plus subtile des valeurs et des enjeux moraux que les apparences ne le laissent percevoir.
L’autiste et la pensée nuancée
De nombreuses situations sont stressantes, énervantes, frustrantes, face à ces contextes la personne autiste peut intérioriser beaucoup de colère, de mal être ou mal réagir sur le moment. Cette accumulation va être souvent génératrice de réactions ou de pensées qui peuvent paraitre excessives, peu nuancées, ou réductrices. Cependant en arrière-fond, il existe un grand nombre d’observations et d’analyses, une quantité invisible de stimuli oppressants, de paroles injustes, de moqueries, de blagues peu plaisantes. La personne autiste peut sembler intolérante, ayant peu d’humour ou manquant de capacité à s’adapter, à comprendre l’humour ou à tolérer la différence. La réaction parait inadaptée, et le fait de réagir à contre-temps donne à voir un comportement semi robotique, sans matière ou détachée d’un contexte.
Cependant, sa pensée est loin d’être aussi rigide et radicale que cela, elle est construite et élaborée d’une façon différente. L’autiste va voir des situations se répéter et ne plus pouvoir les tolérer, il ne sera pas nécessairement indifférent ou choqué instantanément, le temps d’absorber et de faire siennes les différentes situations et l’analyse tombera froide et sans appel. Or ce sont des pensées élaborées, loin d’opinions manquant de subtilités, la personne autiste aura longuement lu, cherché, comparé, et elle n’est pas une personne qui ne peut pas se remettre en question. En revanche, ce qui sera radical et très fortement marqué se seront l’intensité de ses ressentis, la sincérité de sa colère, de sa tristesse ou de sa joie. Les émotions et les valeurs seront très marquées et très respectées, parfois de façon presque inconditionnelle. Afin d’améliorer ses réactions, de l’aider à différer autant que possible ses réactions ou avoir des attitudes conformes à un contexte des groupes d’habiletés sociales peuvent aider les autistes à savoir quand et comment adresser un message à quelqu’un. Par l’apprentissage, ils pourront apprendre à quel moment on peut dire quelque chose à quelqu’un surtout s’il s’agit de critiques ou de plaintes. Les techniques de CNV et de gestion émotionnelle seront alors grandement aidantes et appréciées, facilitant la relation aux autres et le vécu intérieur des émotions.
Ces caractéristiques très tranchées n’empêchent pas la pensée d’être très nuancée et la finesse de l’analyse, au contraire. Ne supportant pas de se contredire ou les informations approximatives, la personne autiste sera très cohérente, creusera un sujet de façon très subtile et apportera quelque chose de très personnel, une vision du monde acérée qui peut donner lieu à la création artistique, ou à de grandes qualités dans de nombreux domaines.
Il ne faut pas pour autant tomber dans l’excès inverse et croire que tous les autistes sont des génies innés capables de créations et de réussir dans leur domaine de prédilection, ils ont les mêmes besoins d’apprendre et de passer du temps pour réussir comme toute personne avant d’en être un expert. Leur appétence à le faire et à persévérer dans cette attitude est par contre très forte et favorise les apprentissages et donc les résultats sont intéressants.
Les outils adaptés
Afin de pouvoir respecter ses propres besoins et de trouver un équilibre face à l’intensité aux fameux « trop » reprochés à la personne autiste, il existe quelques outils qui sont disponible sur notre boutique.
Le sac sensoriel
Le sac sensoriel est une enveloppe agréable dans laquelle se glisser pour apprendre à mieux ressentir son corps. Ce sac est extensible et s’adapte aux mouvements corporels, il favorise un ressenti de bien être et d’unité. La régularité du toucher permet un environnement prévisible, des sensations maitrisables, et de trouver une cohérence entre les différentes zones, un contact plus apaisé avec le monde. Le sac propose une résistance qui le rend amusant et est suffisamment doux pour s’apparenter à un cocon. Afin d’être utilisé à tout âge de l’enfance, il est disponible en 4 tailles, S (68x101 cm), M (68x120 cm), L (71x142 cm), XL (76x162 cm). La surveillance d’un adulte est indispensable afin de se prémunir de tout risque de chute. Il peut être utilisé à partir de l’âge de 3 ans. Le sac se ferme grâce à des boutons pression, et est composé en polyester.
Le hand strength
Des situations trop complexes, peuvent susciter de la colère de l’énervement. Ce stim toy a l’avantage d’aider à canaliser ses émotions, les ventouses se collent et se décollent et la pression exercée avec la main permet de se calmer. Le hand strengh mesure 6x6 cm et est composé de silicone uniquement.
Le masseur rolling ball
Le massage est une façon bien adaptée pour réduire les tensions. Le rolling ball possède une boule qui tourne sur elle-même, et permet de se masser soi-même sur toutes les parties du corps. L’intérêt est de pouvoir maitriser ce moment de détente sans faire intervenir une autre personne, réduisant ainsi les éléments peu prévisibles ou la quantité d’informations externes. Il est ainsi possible de se recentrer sur soi-même, cet objet permet d’ajouter de l’huile de massage car un trou est prévu à cet effet.
La boule est en résine et le rolling ball fait 6.5 x 5.5 x 5.8 cm
En conclusion
La personne autiste est dotée d’une grande intensité, et d’un jugement acéré .Ne cherchant pas nécessairement à plaire ni à respecter les conventions sociales, ce qui doit être dit sera dit par la personne autiste. Les affirmations pourront sembler fermes et brutales, mais il s’agit seulement d’une pensée sans fioritures sans pincettes. La personne autiste ne voit pas tout en « tout noir ou tout en blanc », mais elle ne mettra pas de paillettes dans sa façon d’exprimer les choses, parce que ce qui compte est l’information données, la transmission d’un message.