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Crise en public - Partie 1

- Julie BOUCHONVILLE

Crise en public - Partie 1

Notre article sur les effondrements et le repli autistiques[1] ayant rencontré beaucoup de succès, tâchons d’y écrire une suite peut-être un peu plus poussée, ou en tout cas un peu plus précise.

 

La crise autistique

J’encourage mon lecteur à retourner lire l’article précédent "Autisme en crise", qui détaillait les notions de meltdown (effondrement) et shutdown (repli) autistiques. Je les résume brièvement ici.

Un shutdown se produit lorsqu’une personne est trop stimulée et ne parvient plus à gérer ce qui lui arrive. C’est une crise discrète, pouvant même passer inaperçue, et qui se traduit par une sorte d’absence de la personne, qui peut se retrouver incapable de communiquer, insensible aux injonctions de son entourage, incapable de se déplacer de son propre chef voire, parfois, de rester debout. Si de l’extérieur cela peut être perturbant, de l’intérieur cela l’est a posteriori. Sur le coup, la personne ressent surtout un immense détachement, voire une dissociation, mais si elle ne sait pas comment définir toute cette expérience, elle peut s’en effrayer une fois l’épisode fini, lorsqu’elle analyse son comportement et ne parvient pas à se l’expliquer.

 

Le meltdown est la version nettement moins discrète de la crise, où une personne explose. L’accumulation de stimulus est impossible à gérer et la personne réagit en externalisant la frustration, ce qui peut passer par des pleurs, des cris, de la violence tournée vers soi-même ou vers les autres, etc. Durant ces épisodes, la personne n’est pas en train de réfléchir rationnellement et de choisir ce qu’elle fait ; ses processus de pensée sont plutôt à l’arrêt et une sorte d’instinct prend le dessus.

 

Dans les deux cas, la personne concernée ne choisit pas ce qu’elle fait, est probablement incapable de répondre aux questions, et doit être laissée tranquille autant que cela est possible. Une fois le gros de la crise passée, elle sera sans doute épuisée et restera fragile pendant quelques heures voire quelques jours, selon l’intensité de l’épisode.

 

La crise chez l’adulte

Souvent quand on parle de « faire une crise » ou « péter les plombs », on visualise plutôt un jeune enfant ou, à la limite, un adolescent mal dans sa peau, qu’un adulte avec un job, mais tous les autistes sont concernés par ces notions et comme nous le savons, l’autisme ne disparaît pas par magie le jour où on devient adulte. Pire, il n’est pas rare d’entendre le témoignage d’un adulte ayant décidé d’entamer des recherches sur l’autisme et peut-être même une démarche diagnostique suite à un épisode de crise inexplicable.

Sujets qui pourraient vous intéresser : "Diagnostic et auto-diagnostic de l'autisme-partie 1" ; "Diagnostic et auto-diagnostic de l'autisme-partie2"

A quoi cela peut-il ressembler ? Imaginons Ananas, une personne dans sa trentaine. Ananas a un job qui ne lui déplaît pas, et dans lequel il est même assez bon. Enfant, Ananas était un gosse un peu bizarre qui se sentait différent des autres mais dans la mesure où tout le monde se sent différent des autres et où aujourd’hui il a quelques bons potes, Ananas ne se pose pas trop de questions quant à son neurotype. Sans doute même qu’il ne sait pas ce que c’est, un neurotype.

Et puis, comme cela arrive parfois, Ananas passe une mauvaise semaine. Il va y avoir un enchaînement de petites choses. Ananas attrape un rhume qui traîne à guérir, Ananas dort mal pendant quelques jours, ses soucis digestifs occasionnels lui donnent du fil à retordre, il oublie ses écouteurs et doit endurer le bruit durant tout son trajet de métro. Son job est très stressant ce jour-là, il y a des travaux à l’étage du dessus et les vibrations l’agacent, deux de ses collègues sont dans le jus et lui demandent de l’aide, et lui-même ne sait pas comment résoudre le problème dont il est censé s’occuper. L’étiquette de son pull se met à le gratter, il a soif mais il n’a pas le temps d’aller boire, son voisin de bureau empeste les baies synthétiques de sa cigarette électronique, quelqu’un lui demande quelque chose qu’il ne comprend pas bien, il ouvre la bouche pour lui demander de répéter, le bruit autour de lui est comme une pression physique sur toute la surface de sa peau, ses chaussures pincent ses chevilles, tout le monde s’est mis à le regarder pour une raison inconnue, …

Et là, c’est la crise.

 

Ananas ne perd pas connaissance mais, en un sens, c’est tout comme. Ce n’est qu’en revenant totalement à lui qu’il comprend que pendant un moment, il n’y avait plus grand-monde aux commandes. Ses collègues sont perplexes. Lui-même est confus.

Oui, enfant, il lui arrivait de fixer le mur pendant des heures après une journée d’école épuisante, et il a sûrement pété les plombs une ou deux fois au supermarché, mais jamais il ne s’est senti comme si tout le contrôle lui avait échappé, comme si son cerveau venait de court-circuiter et qu’il avait fallu vingt minutes au système pour redémarrer. Jamais il n’aurait crû que cela pourrait lui arriver maintenant, et encore moins en public.

Est-ce que c’est un burnout ? Une crise de nerfs ?

Et est-ce que ça va se reproduire ?

 

C’est OK de péter les plombs – pour de vrai

Si mon lecteur se reconnaît dans cette mise en situation, au moins un peu, d’abord je tiens à lui affirmer toute ma sympathie, mais aussi à le rassurer : tout va bien, les crises sont des choses qui arrivent, et ça ne veut pas dire que toute sa vie est foutue. Il est peut-être juste autiste.

Pourquoi est-ce que les autistes font des crises ? Souvent, c’est un problème de mauvaise connaissance de soi, et donc typique des jeunes personnes ou de celles qui ignorent leur neurotype. Quand on ne connaît pas ses propres limites, il est plus fréquent de les dépasser, et la crise est toujours une réaction à un « trop ». Certains « trop » sont imprévisibles : un changement de plan de dernière minute, un accident, une agression, etc. On ne peut pas grand-chose contre eux, à part toujours planifier ses journées de manière à ne pas dépenser toutes ses cuillères[2], histoire d’avoir de la marge. Cela implique bien sûr d’être un minimum autonome : quelqu’un qui n’a pas la possibilité de planifier et décider pour lui-même, pour quelque raison que ce soit, est bien plus susceptible d’être victime de l’imprévu.

D’autres « trop » sont prévisibles et peuvent être contournés, si tant est qu’on a conscience qu’ils existent et représentent un problème pour nous. Cela peut paraître bête, mais beaucoup de personnes autistes ont du mal à distinguer les choses qu’elles doivent subir parce que la vie est ainsi faite (comme la température qu’il fait dehors) des choses sur lesquelles elles peuvent agir (comme les étiquettes agaçantes qu’on peut couper). Elles peuvent même se sentir mal dans une situation sans identifier la cause du malaise, et ne réaliser qu’un bruit les distrayait que lorsqu’il s’arrête, par exemple.

A contrario, contourner les sources de stimulus peut aussi se faire très naturellement : avoir le réflexe « lunettes de soleil » dès qu’il fait un peu trop clair, ne jamais sortir sans écouteurs, n’acheter que certaines matières ou certaines couleurs, manger tous les jours le même petit-déjeuner, etc. Autant d’habitudes dont la personne et son entourage peuvent se dire qu’elles ne sont que cela, des habitudes, alors qu’une personne autiste ayant conscience de son neurotype identifie les mêmes faits comme une adaptation comportementale en vue d’une homéostasie sensorielle[3]. Une personne peut donc les avoir mises en place sans avoir conscience de son neurotype ni du risque, si ces stratégies venaient à manquer, d’entrer en surcharge.

 

Dans tous les cas, la crise est bien amenée par une accumulation de malaises : cela peut prendre des jours à se construire, une mauvaise régulation s’ajoutant à une autre, pour arriver à une situation où trop de stimulus déclenchent le repli et/ou l’effondrement.

 

Dans la partie suivante de cet article, nous examinerons ce que l’on peut faire une fois que la crise a eu lieu, et quelles stratégies déployer pour éviter qu’elle ne se reproduise.

 

[1]https://bienetreautiste.com/blogs/infos/autisme-en-crise?_pos=1&_sid=725f502a0&_ss=r

[2]https://bienetreautiste.com/blogs/infos/la-theorie-des-cuilleres#_ftnref2

[3]Deux points pour vous si vous réussissez à le caser au prochain repas de famille.


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